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[TRIBUNE] Espaces de travail et santé des individus : l’avant et l’après Covid

Le | Qvt

La crise sanitaire du Covid-19 n’est pas encore derrière nous, pourtant nous observons déjà un retour du travail en présentiel faisant émerger en creux la question de l’assainissement des bureaux. Comment les entreprises assurent la bonne aseptisation de leurs locaux pour préserver la santé de leurs employés ? Et plus largement, que dit la littérature scientifique sur le sujet la santé des individus dans leurs espaces de travail ?

Comment les organisations agissent pour préserver lla santé de leurs employés ? - © Getty Images/iStockphoto
Comment les organisations agissent pour préserver lla santé de leurs employés ? - © Getty Images/iStockphoto

La santé et les espaces de travail

Très tôt dans l’histoire des espaces de travail, la question de la santé des usagers s’est posée. Ainsi, il est aisé de retrouver en archives des écrits témoignant de la crainte d’ouvriers de respirer un air malsain, de dépérir à petit feu faute d’accès à la lumière du jour ou, pour les mineurs de fond, d’avoir le dos brisé avant d’atteindre trente ans.

Depuis une cinquantaine d’années, les recherches sur le sujet se sont multipliées dans plusieurs disciplines telles que l’ergonomie, la théorie des organisations, la psychologie et, naturellement, la médecine. Dans la plupart des articles savants produits, la santé y est abordée par le prisme de risques particuliers auxquels les individus sont exposés. Les plus fréquemment évoqués concernent les troubles musculosquelettiques, mais aussi la sédentarité qui entraine du surpoids et du diabète, la dépression du fait d’un manque d’exposition à la lumière naturelle, et enfin le bruit, responsable de migraines, d’insomnies et de difficultés de concentration. Les maladies hivernales sont elles aussi évoquées et les préconisations émises portent généralement sur la mise en place de rayons ultraviolets dans les systèmes de ventilation pour purifier l’air.

Les surfaces soudainement dangereuses

Avant le Covid-19, peu d’entre nous se souciaient de la façon dont nos bureaux ou nos tables de réunion étaient nettoyés. La confiance paraissait de mise quant à la fréquence de passage et à l’efficacité des produits utilisés. Avec le développement de la pandémie en 2020, la question de la persistance potentielle du virus sur les surfaces est devenue centrale. Cette interrogation paraissait d’autant plus légitime en entreprise puisque les espaces de travail sont de plus en plus des lieux partagés et que la propreté, en tant qu’activité, est très fréquemment externalisée.

Propreté : le choix de l’externalisation

Externaliser ce qui ne fait pas parti du cœur de métier est aujourd’hui un choix courant pour les entreprises, privées comme publiques. Concernant le nettoyage des espaces de travail, et selon la Fédération des Entreprises de Propreté et Services Associés (l’organisation patronale historique représentative du secteur), 80 % des organisations françaises délèguent cette activité à un prestataire de service, et ce pourcentage est en augmentation régulière. La motivation derrière cette délégation est essentiellement économique, car elle laisse notamment envisager plus de souplesse pour l’entreprise en cas de difficulté : il est toujours plus aisé de rompre un contrat commercial avec une entreprise prestataire que de licencier du personnel.

Avant le Covid-19, peu d’entre nous se souciaient de la façon dont nos bureaux ou nos tables de réunion étaient nettoyés.

Néanmoins, externaliser n’est pas sous-traiter, c’est un choix qui engage davantage, car si la sous-traitance peut être envisagée de manière ponctuelle et en suivant le cahier des charges de l’entreprise-cliente, ce n’est pas le cas avec l’externalisation où l’entreprise prestataire gère l’entièreté de l’activité : du management de son personnel détaché sur le site du client aux procédures qu’il a lui-même définies. Ainsi, en externalisant, l’entreprise-cliente fait aussi le choix de perdre la compétence en interne : elle ne maîtrise plus pleinement le sujet.

Le rôle des prestataires propreté pendant la crise du Covid-19

Comme nous l’avons montré avec un collègue chercheur dans un travail de recherche récemment publié, la contribution des entreprises prestataires de propreté a été constante et protéiforme tout au long de cette période où la désinfection s’est imposée comme une question majeure, à la fois de santé publique et de maintien des activités des sites stratégiques pour la France tels que les centrales ou encore les sites de production.

Cet épisode de pandémie a changé la donne au niveau des relations entre les entreprises-prestataires de propreté et leurs clients.

Les agents d’entretien qui, traditionnellement, œuvraient en dehors des heures de bureau ont été appelés à intervenir de manière nettement plus visible et plus régulièrement pour rassurer les travailleurs sur site. En parallèle à ces actions nécessaires, l’apport des experts scientifiques de certaines entreprises de propreté (notamment celle que nous avons interrogée) leur a aussi permis de devenir des partenaires stratégiques pour leurs clients en cette période incertaine, en étant capables de croiser la littérature mondiale sur le Covid et mettre au point les produits et protocoles les plus efficaces.

Nouvelles relations

Cet épisode de pandémie, inédit par son ampleur et ses conséquences, a changé la donne au niveau des relations entre les entreprises-prestataires de propreté et leurs clients. Rappelons que pour que le principe d’externalisation soit profitable pour tous, il est nécessaire que chacun puisse développer son cœur de métier et, de fait, les entreprises-clientes doivent soutenir les efforts d’investissement de leurs prestataires de propreté pour plus de recherche et d’innovation pour que les environnements de travail soient les plus sains possibles pour les individus y œuvrent régulièrement.


 

Delphine Minchella - © D.R.
Delphine Minchella - © D.R.

Delphine Minchella

Delphine Minchella est docteur en sciences de gestion, enseignant-chercheur à l’Ecole de Management de Normandie/Métis Lab, chercheur associé HDEA Sorbonne.