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Baromètre Actineo : le télétravail s’impose, mais les bureaux doivent s’améliorer

Par Alexandre Foatelli | Le | Qvt

Cet article est référencé dans notre dossier : Télétravail : où en est-on (à peu près) en 2023 ?

Deux ans après une édition d’ampleur internationale, le Baromètre Actineo de la qualité de vie au travail décrypte à nouveau les conditions de travail des Français. Voici les principaux enseignements.

Le Baromètre Actineo décrypte à nouveau les conditions de travail des Français. - © Baromètre Actineo
Le Baromètre Actineo décrypte à nouveau les conditions de travail des Français. - © Baromètre Actineo

La crise sanitaire et ses répercussions sur les manières de travailler aura fait couler beaucoup d’encre, mais l’analyse et la compréhension des phénomènes n’a pas encore rendu leur verdict définitif. Ainsi, l’écosystème workplace s’interroge encore sur la manière dont les actifs travaillent aujourd’hui. Où et à quelle fréquence ? Dans quelles conditions, et avec quels équipements et services ? Quel est leur degré de satisfaction ? Quelles sont leurs aspirations en termes d’espace, de temps et de qualité de vie au travail ?

Afin de dessiner des réponses à ces questions, le Baromètre Actineo de la qualité de vie au travail, réalisé à l’initiative de l’Ameublement français, en partenariat avec Maison&Objet, Saguez & Partners, Wojo et le Codifab, a sondé 1 200 actifs pour établir un état des lieux de leurs manières de travailler et leur satisfaction.

Télétravail : pas de retour en arrière

Alerte spoiler : le télétravail est devenu un phénomène massif et organisé. Imposé au plus grand nombre durant une large période en 2020, ce mode est passé d’un statut anecdotique à une pratique qui concerne 42 % des personnes interrogées qui le pratiquent au moins une fois par mois et 36 % qui le font toutes les semaines. Une pratique qui séduit largement ses pratiquants, puisque 88 % se déclarent satisfaits.

Par conséquent, un retour en arrière sur le télétravail, qui fait parler de lui notamment outre-Atlantique, paraît totalement inenvisageable. Les sondés sont 65 % à vouloir pratiquer le télétravail à l’avenir, particulièrement les mercredis et vendredis. En moyenne, ils télétravaillent 2 jours par semaine, mais ils souhaiteraient idéalement télétravailler 2,5 jours par semaine. Ce que les actifs interrogés disent apprécier le plus dans le travail à domicile, c’est l’autonomie de l’organisation de son temps de travail, mais aussi les bonnes conditions de travail : pauses agréables, niveau sonore, qualité de l’éclairage et de la température…

En outre, le home office permet aussi « d’être davantage soi-même » (88 %), de ne pas « porter de masque » (le faux self). Les répondants sont 79 % à s’accorder sur le fait qu’ils peuvent pleinement s’investir dans leurs tâches (fonctions, missions) lorsqu’ils travaillent à la maison. De ce fait, les actifs français ont des attentes vis-à-vis de leurs employeurs : ils sont 70 % à estimer souhaitable que l’entreprise équipe le domicile de ses salariés de mobilier ergonomique et 45 % à estimer qu’elle devrait contribuer au financement des frais (énergie, internet, équipement, mobilier) dans le cadre de l’exercice du travail à la maison.

Malgré l’engouement, les actifs français ne sont pas béats face au télétravail et gardent conscience de ses limites. Ainsi, 45 % de ceux qui travaillent plus souvent en dehors du bureau signalent une plus grande difficulté à dissocier vie privée et vie professionnelle. Par ailleurs, les managers, peu formés à la gestion des équipes à distance, considèrent qu’il est moins facile de communiquer efficacement avec les personnes encadrées quand ils travaillent en dehors du bureau, d’effectuer la formation des nouveaux arrivants, ou de créer un sentiment de collectif et de transmettre la culture d’entreprise.

« Des lieux comme les notre favorisent la communication et le sentiment d’appartenance, car les conditions proposées permettent aux managers d’avoir un regard bienveillant et correspondant aux attentes des salariés. Les lieux sont animés, agréables et variés à l’échelle d’un site comme en réseau », met en avant Stéphane Bensimon, CEO de Wojo.

Bureau = sociabilisation

Contrairement aux craintes exprimées après la crise sanitaire et loin des discours extrémistes sur « la mort du bureau », l’adoption massive du télétravail ne signifie pas que les actifs ne veulent plus revenir en présentiel. En premier lieu, parce qu’il est à noter qu’en France, encore 56 % des personnes travaillent dans les locaux de l’entreprise, notamment les salariés qui travaillent dans une commune peu dense et en région, les CSP-, les employés et les plus de 55 ans. Les bureaux sont donc loin d’avoir disparu. D’ailleurs, 61 % des personnes interrogées travaillent encore dans un bureau fermé.

Dans les autres cas de figure (grandes métropoles), parallèlement au développement du télétravail, les entreprises n’ont plus besoin d’autant de mètres carrés pour fonctionner. Alors qu’elles n’étaient que 6 % en 2017, 21 % des personnes interrogées travaillent désormais en flex office, sans poste attitré. Mais si les actifs reviennent au bureau, c’est aussi par choix : Ils y recherchent avant tout l’interaction avec les autres et les dimensions fonctionnelles. Le bureau est en effet le lieu par excellence où l’on a la possibilité d’échanger et de travailler avec d’autres personnes (82 %). Pour preuve, 70 % des répondants sont d’accord pour dire que l’intérêt de venir au bureau se trouve particulièrement dans les rapports sociaux de convivialité.

Or, une bonne sociabilité est indispensable à la qualité de vie au travail (QVT). La corrélation est forte entre les individus qui estiment avoir une bonne QVT et ceux qui arrivent à créer du lien avec les personnes qui les entourent au travail : 81 % des personnes qui arrivent à créer du lien au travail déclarent avoir une bonne QVT, alors que ceux qui n’y arrivent pas ne sont que 45 % à se dire satisfaits. Pour faire revenir les salariés, il est donc nécessaire de créer des espaces propices à ce lien social : un coin thé/café, une terrasse, un espace de détente, une cuisine en libre accès, une cafétéria, un restaurant d’entreprise…

Les espaces de travail doivent mieux faire

Malgré l’importance des espaces de travail pour leur QVT énoncée par les actifs, 29 % de ceux travaillant au bureau ne sont pas satisfaits des espaces de travail de leur entreprise et 1/4 estiment que ceux-ci ne sont pas bien adaptés à leurs besoins. Une immense majorité (94 %) estiment importante la présence d’équipement permettant le bien-être et l’ergonomie du travail (confort du siège, des yeux, acoustique, thermique), alors que le niveau de prise en compte estimé de l’entreprise n’est que de 54 %. Par exemple, ils trouvent particulièrement importante - mais insatisfaisante - la qualité des espaces informels de travail (espaces de créativité, de brainstorming).  

En somme, le Baromètre Actineo valide qu’il faut garder au bureau des espaces pour toutes les activités : revenir au bureau pour sociabiliser ne dispense pas de devoir s’isoler de temps à autre pour effectuer un travail individuel. Or à ce jour, 37 % des salariés disent avoir du mal à se concentrer au bureau. Un résultat qui monte jusqu’à 43 % pour les personnes travaillant dans un open space et dont 48 % souffrent encore du bruit. Finalement, 84 % des répondants trouvent souhaitable que pour l’aménagement des lieux de travail, les entreprises donnent la priorité au bien-être des salariés (espaces conviviaux, respects des temps de connexion, etc.).

Autre piste d’amélioration des espaces de travail :  l’accès à la nature. L’enquête d’Actineo semble confirmer cette tendance, puisque 48 % des répondants veulent un jardin, une terrasse ou un espace vert en entreprise, et le définissent comme espace indissociable de la convivialité. D’ailleurs, parmi les personnes qui travaillent dans un tiers-lieu une fois par mois, 12 % le font en extérieur, sur une terrasse, dans un jardin ou un parc public.  

Les tiers-lieux gagnent en légitimité

Dans le désir de flexibilité des salariés, les tiers-lieux jouent un rôle certain. « Les espaces de coworking sont une solution pour répondre à la recherche de flexibilité des entreprises, qui peuvent ajuster leurs surfaces à la hausse ou à la baisse selon leurs besoins. En outre, l’accueil et les espaces conviviaux sont mutualisés avec plusieurs sociétés, facteur supplémentaire d’optimisation financière, tout en apportant la variété de configurations et de services qui plaisent aux salariés », vante Stéphane Bensimon.

Diversité des lieux de travail - © Baromètre Actineo
Diversité des lieux de travail - © Baromètre Actineo

Aujourd’hui, 36 % des actifs travaillent au moins une fois par mois dans un tiers-lieu : locaux des clients (14 %), transports en communs (13 %), extérieur (12 %), restaurants et cafés (12 %), hôtels (7 %) ou encore coworking (6 %). Parmi eux, seuls 9 % sont de vrais nomades, travaillant dans au moins trois lieux différents au cours d’une même semaine (CSP+, Franciliens, salariés du service et du commerce).

Lorsque les actifs travaillent dans un hôtel, 72 % le font lors de déplacements professionnels, plutôt dans leur chambre, et seulement à 17 % dans une salle de réunion proposée par l’établissement. Les hôtels semblent donc encore avoir une belle marge de progression pour attirer les télétravailleurs : 76 % sont contraints d’y travailler, mais préfèreraient ne pas le faire. Ils obtiennent aussi les plus mauvais scores concernant la satisfaction : les conditions de travail telles que la température et l’éclairage (60 % vs 80 % au domicile), la place disponible pour ranger ses affaires (50 % vs 73 % au bureau), la qualité du mobilier et de l’aménagement pour travailler (55 % vs 69 % au bureau), l’ergonomie et le confort de l’espace de travail (46 % vs 68 % en coworking).

« Wojo cherche à faire des hôtels du groupe Accor un lieu de vie, c’est notre proposition de valeur première. Cependant, le marché est encore émergent et il s’agit d’une transformation des usages qui ne s’est pas encore développée. Les configurations des établissements s’en trouvent bousculées : il faut pouvoir gérer les flux touristiques mêlés à la clientèle souhaitant travailler au calme, décrit Stéphane Bensimon. Certaines initiatives de transformation de chambres en bureaux individuels ou de salles de réunion en espaces de coworking existent et il est possible d’imaginer des établissements qui seraient moitié hôtels moitié coworking avec des services en commun. Car tous les prérequis (accueil, wifi, aménités) pour attirer les télétravailleurs sont déjà là ! »

En revanche, les répondants sont majoritairement satisfaits (56 %) de travailler dans les espaces de coworking : 72 % y apprécient les conditions de travail, 66 % saluent la qualité du mobilier et de l’aménagement, et 68 % l’ergonomie et le confort de travail.

Nécessité d’agir

Au regard des résultats du Baromètre Actineo, il est urgent d’agir pour les entreprises car les chiffres de la satisfaction au travail sont en net retrait. Seuls 77 % des actifs sont satisfaits, ce qui représente une baisse de 10 points par rapport à 2019, 45 % des interrogés pensent que leur employeur ne se préoccupe pas de leur bien-être au travail (+ 8 points vs. 2019) et 40 % ne se sentent pas écoutés par leur hiérarchie.

La satisfaction au travail en net retrait - © Baromètre Actineo
La satisfaction au travail en net retrait - © Baromètre Actineo

Pire, 30 % des salariés interrogés envisagent de quitter leur travail dans les prochains mois (35-44 ans, Île-de-France) et 42 % se sentent peu engagés dans leur travail et font ce qui leur est demandé, sans plus (18-34 ans, CSP-). Des chiffres qui confirment la tendance à la Grande Démission et au quiet quitting (démission silencieuse) largement évoqués ces derniers mois.


Les données quantitatives sont issues d’une enquête réalisée en ligne par l’ObSoCo pour Actineo du 28 avril au 9 mai 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 1 200 actifs travaillant dans des bureaux, selon la méthode des quotas (genre, âge, région, situation professionnelle, secteur professionnel, taille d’entreprise, CSP).