Stratégies

Thibault Celant (Heppner) : « L’immobilier est un levier stratégique, pas un centre de coûts »


Récemment, Thibault Celant a pris la direction immobilière groupe chez Heppner. À l’occasion de sa participation au jury de la Nuit de l’Immo, organisée par Républik WPI, il revient sur son parcours et partage sa vision d’un immobilier à 360°, levier stratégique au service du business, des collaborateurs et de la performance environnementale.

Thibault Celant (Heppner) : « L’immobilier est un levier stratégique, pas un centre de coûts »
Thibault Celant (Heppner) : « L’immobilier est un levier stratégique, pas un centre de coûts »

Vous avez un parcours particulièrement riche, avec des expériences en droit, en finance, au sein de grands groupes. Qu’est-ce qui a guidé vos choix professionnels au fil des années  ?

Je me considère aujourd’hui comme un généraliste de l’immobilier. Ce qui me passionne, c’est que l’immobilier englobe des dimensions juridiques, réglementaires, opérationnelles, techniques, financières… et c’est justement cette transversalité qui a guidé mes choix professionnels.

Ma formation en droit m’a apporté des fondamentaux solides, que j’ai ensuite complété par des expériences plus financières — qui n’étaient pas mon domaine initial de compétence, mais qui m’ont été très formatrices pour la suite. Je suis revenu sur des fondamentaux, et pris le poste de responsable juridique chez Crédit Agricole Immobilier, un poste que j’ai occupé pendant trois ans, où j’y ai trouvé une vraie expertise.

Cependant, j’ai rapidement ressenti une frustration : en tant qu’expert juridique, vous êtes « cantonnés » à votre couloir et votre domaine d’expertise. Dès qu’un sujet sort du cadre légal ou du potentiel contentieux, votre avis est moins retenu. Or, ce que je recherchais, c’était justement de pouvoir intervenir sur l’ensemble des enjeux et des impacts liés à l’immobilier. C’est donc cette volonté d’avoir une approche plus globalisante qui a orienté mes choix au fil des années.

Mes responsabilités suivantes chez Saint-Gobain pendant près de six ans, tant sur les projets de transformations urbaines, de développement et de stratégie immobilière, et de lobbying auprès des pouvoirs publics m’ont convaincu de continuer sur cette voie.

Vous avez récemment rejoint Heppner en tant que directeur immobilier groupe. Quelles seront vos priorités à ce poste et quel est votre périmètre d’intervention  ?

Cette prise de responsabilité concrétise finalement mon parcours et ma vision. Chez Heppner, je suis à la tête de l’asset, du property, du facility, de la conformité bâtimentaire, et de la mise en œuvre des évolutions environnementales sur la filière.

Ce champ d’action, de 100 sites en Europe pour 500 000 m² bâtis occupés (logistique/bureau), me permet de travailler aussi bien sur des aspects stratégiques de création de valeur, que sur des sujets opérationnels liés à l’exploitation, ou encore sur des sujets au cœur de l’actualité environnementale en pleine évolution (décret tertiaire, loi APER, Bacs etc…). C’est intellectuellement très stimulant et passionnant.

Ma volonté de rejoindre Heppner s’intègre dans le souhait du groupe de continuer à grandir et se transformer. L’objectif était clair, apporter une vision à 360°, de professionnaliser la filière et de l’aligner avec les ambitions stratégiques globales de l’entreprise. C’est précisément ce défi qui m’a séduit.

Le secteur de la logistique est en pleine mutation. Quels sont les enjeux spécifiques auxquels vous êtes confronté aujourd’hui chez Heppner  ?

Effectivement, les enjeux sont multiples et particulièrement prégnants dans notre secteur. Sur le cœur d’activité de l’entreprise, qui est le transport et la logistique, la décarbonation et la transition énergétique sont des défis majeurs. Et ce alors que les charges fiscales sont plus lourdes que dans d’autres pays limitrophes. Cela signifie que chaque nouvelle contrainte financière peut vite devenir « un fardeau ». Transformer la flotte, investir dans des carburations alternatives ou de nouveaux équipements, ce sont des dépenses lourdes. Heureusement, Heppner est une entreprise familiale, avec un actionnariat stable qui permet une vision à long terme.

Chaque nouvelle contrainte financière peut vite devenir “un fardeau”.

Côté immobilier, les enjeux sont similaires : il s’agit d’engager la transition énergétique et environnementale des bâtiments. Cela passe par des rénovations, des mises aux normes, mais aussi par la valorisation du parc immobilier. En modernisant nos sites, on s’assure non seulement de répondre aux objectifs RSE, mais aussi de proposer aux collaborateurs des outils de travail plus efficaces et plus qualitatifs.

Comment concilier performance opérationnelle, contraintes réglementaires — comme celles liées au ZAN — et stratégie immobilière  ?

L’immobilier est au carrefour de presque toutes les fonctions de l’entreprise. On doit composer avec la réglementation, assurer la sécurité et la conformité des bâtiments, maîtriser/optimiser les coûts, répondre aux exigences environnementales, tout en soutenant le développement de l’activité.

L’immobilier doit apporter une vision précise de l’existant et des besoins futurs. Une stratégie claire permet d’amorcer les transformations sans compromettre la performance économique de l’activité. Il est primordial de convaincre autant la direction générale que les équipes opérationnelles, afin de transformer une contrainte réglementaire en opportunité de modernisation.

Sur la question du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), le sujet reste mouvant. Il complique clairement les projets de développement, notamment en réduisant les disponibilités foncières et en faisant grimper les prix. Il y a deux ans, j’aurais tenu un discours plus dur. Aujourd’hui, le cadre s’assouplit un peu, mais le contexte économique et politique crée une forme d’attentisme, en particulier à l’approche des élections municipales et avec les incertitudes nationales et internationales.

Ce que je retiens, c’est que la réussite passe par la clarté du diagnostic, la planification et surtout l’adhésion. Si on construit cette transition comme une démarche de conviction partagée, et non comme une contrainte subie, elle peut s’opérer plus sereinement, tant sur le plan opérationnel qu’économique.

Le secteur de la logistique est-il, selon vous, confronté à des attentes spécifiques de la part des collaborateurs en matière d’environnement de travail ?

À mon sens, les attentes en matière d’environnement de travail sont assez communes, quel que soit le secteur. Le workplace a une place centrale parce qu’il conditionne en grande partie la productivité et la fidélisation des équipes.

Je n’identifie pas de spécificité propre aux métiers de la logistique sur ce sujet. Ce que je constate, c’est que plus les conditions de travail sont bonnes, plus l’entreprise est attractive, performante et capable de fidéliser ses collaborateurs. Chez Heppner, cette ambition se traduit concrètement : le groupe est labellisé « Great Place to Work  » et ECOVADIS Gold depuis quelque temps. Cela reflète notre engagement à proposer un cadre de travail de qualité.

Comment la stratégie immobilière s’adapte-t-elle concrètement aux attentes croissantes des collaborateurs  ?

L’immobilier ne peut pas se réduire aux seuls aspects financiers ou réglementaires. Il doit répondre aux besoins concrets des collaborateurs. C’est fondamental. L’environnement de travail peut être un sujet de frictions. Si l’écoute des directions immobilières manque, alors elles seront moins légitimes, et la capacité de transformation plus faible.

En termes d’attentes, les collaborateurs expriment surtout des besoins très simples, mais essentiels : la propreté des locaux, le confort au quotidien, la disponibilité des salles de réunion, la facilité d’usage des équipements… En somme, il faut que l’environnement de travail « fonctionne ». Le bâtiment doit être un facilitateur, pas un obstacle à la productivité.

Y a-t-il un projet ou une mission qui vous tient particulièrement à cœur dans vos fonctions actuelles ?

La poursuite de la transition écologique sur le volet bâtimentaire est un sujet qui m’attire de plus en plus. Le chantier de la transition énergétique est déjà bien engagé chez Heppner, et l’objectif est de le structurer de façon pérenne sur la partie immobilière. L’immobilier est autant la vitrine de l’entreprise que l’outil de travail des collaborateurs. Il doit autant que possible refléter ses valeurs, son histoire et son ADN.

L’immobilier est autant la vitrine de l’entreprise que l’outil de travail des collaborateurs.

Par ailleurs, il me tient à cœur de renforcer la relation avec les équipes opérationnelles. Je veux que la Direction Immobilière soit perçue comme une fonction support qui est créatrice de valeur et qui apporte « sa pierre à l’édifice ». Ce sont ses capacités à la fois à être utile au quotidien, que sa capacité à être structurante dans le futur, qui seront ses gages de réussite et de crédibilité.

En tant que membre de jury, quels sont, selon vous, les critères clés d’un projet immobilier exemplaire aujourd’hui ?

Pour moi, un projet immobilier exemplaire est avant tout un projet qui trouve un compromis juste entre toutes ses dimensions : environnementale, économique, technique, réglementaire… L’innovation et la performance écologique doivent être au cœur, mais c’est sa capacité à être déployé en masse, et viable économiquement qui fera la différence.

Plus personnellement, à quel type de projet ou de solution serez-vous particulièrement attentif lors de cet événement  ?

Je serai attentif à la voix du porteur de projet. Identifier sa motivation, sa conviction avec son projet. Son énergie doit être communicative et convaincante. Finalement l’humain sera au cœur de la proposition.

Enfin, je serai sensible à des solutions pas nécessairement ultra-novatrices, mais qui sauront facilement duplicables, démocratisables à grande échelle. L’enjeu, c’est de ne pas se limiter à des projets de niche, aussi brillants soient-ils, mais de valoriser ceux qui peuvent s’appliquer partout, dans différents contextes. Pour moi, un bon projet allie conviction, simplicité… et performance.


Thibault Celant fait partie du jury de la Nuit de l’Immo 2025. Si vous avez réalisé un projet immobilier duplicable ou développé une solution facilement démocratisable à grande échelle, déposez vite votre candidature ici ! Vous avez jusqu’au 4 juin pour le faire ! Pour avoir l’opportunité de le rencontrer et d’échanger avec lui, inscrivez-vous dès maintenant au Gala du 30 juin au Pré Catelan !