Stratégies

L’investissement en immobilier d’entreprise dévisse, mais les bureaux prime gardent la cote

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Le conseil en immobilier Knight Frank a établi un point détape sur le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise au 1er semestre 2023. Les données constituent un plus bas niveau depuis 2010 sur l’ensemble des classes d’actifs, mais démontrent aussi que les bureaux bien situés concentrent encore la majorité des investissements.

Selon Knight Frank, 6,2 mds d’euros ont été investis au S1 2023, un plus bas niveau depuis 2010. - © Getty Images/iStockphoto
Selon Knight Frank, 6,2 mds d’euros ont été investis au S1 2023, un plus bas niveau depuis 2010. - © Getty Images/iStockphoto

Sur le marché de l’investissement en immobilier d’entreprise, le début d’année fut déjà particulièrement atone. Le GIE Immostat estimait le montant global des placements pour le 1er trimestre 2023 à 3,3 milliards d’euros, soit une baisse de 35 % par rapport au T1 2022. Et d’après les chiffres annoncés dernièrement par Knight Frank, la tendance s’est maintenue au deuxième trimestre. Le marché tricolore a même été moins actif lors des trois derniers mois.

« Totalisant 2,4 milliards d’euros au 2e trimestre 2023, les sommes engagées sur le marché français n’avaient plus été aussi faibles depuis 2010. L’activité reste en effet fortement ralentie par l’attentisme des investisseurs face à la hausse des taux d’intérêt et à la poursuite du resserrement monétaire des banques centrales », annonce Antoine Grignon, directeur du département Investissement chez Knight Frank France.

Ce résultat du T2 porte à près de 6,2 milliards d’euros l’ensemble des montants investis en France depuis le début de 2023, soit une chute de 40 % par rapport à la moyenne décennale et de 51 % par rapport au S1 2022. Des montants corrélés à une forte baisse du nombre total de transactions (320 au S1 2023 contre près de 500 au S1 2022) qui illustre le ralentissement général de l’activité, même si certains créneaux de marché ont davantage résisté.

L’investissement en immobilier d’entreprise dévisse - © Républik Workplace
L’investissement en immobilier d’entreprise dévisse - © Républik Workplace

Parmi ces segments qui ont mieux performé, les transactions comprises entre 50 et 100 millions d’euros sont 13 à être recensées au 2e trimestre 2023, contre huit au trimestre précédent. Sur l’ensemble du S1 2023, ces 21 opérations ne totalisent toutefois qu’un peu plus d’1,4 milliard d’euros, soit un recul de près de 40 % en un an. Par ailleurs, « l’activité reste particulièrement faible sur le segment des grandes transactions, avec neuf opérations supérieures à 100 millions signées en France lors des six premiers mois de 2023, contre 34 à la même période l’an passé ! Celles-ci comptent dès lors pour une part bien moins importante des volumes, avec 35 % de l’ensemble des sommes engagées en France au S1 2023 contre 50 % au S1 2022 », détaille Antoine Grignon.

Sur ces neuf opérations de plus de 100 millions d’euros, seules deux ont été actées au 2e trimestre : la cession par Accor à Valesco de la tour Sequana à Issy-les-Moulineaux, et l’achat par AEW auprès de Generali de la galerie Passy Plaza dans le 16e arrondissement. La plus grosse transaction de l’année reste l’achat par Ingka Centres de l’ensemble de bureaux et de commerces formé par Italie Deux dans le 13e arrondissement de Paris. Ces trois opérations ont gonflé la part de l’Ile-de-France, qui rassemble près de 70 % des volumes investis dans l’Hexagone contre 58 % en 2022. En valeur absolue, les sommes engagées dans Paris et sa région chutent tout de même de 41 % sur un an.

Les bureaux prime demeurent plébiscités

Bien qu’il s’agisse de la classe d’actifs la plus fragilisée par la crise sanitaire et la remontée des taux d’intérêt, les bureaux ont malgré tout concentré une très large part des volumes investis au 2e trimestre 2023 : 64 %, contre 17 % pour les commerces et 19 % pour l’industriel. Les bureaux représentent aussi la grande majorité des transactions supérieures à 50 millions signées sur la période, dont la cession à Valesco de la tour Sequana pour 460 millions d’euros.

Néanmoins, Knight Frank précise pour autant qu’il n’est pas question d’un « redressement », puisque les sommes engagées sur le marché français des bureaux ont diminué de 21 % d’un trimestre à l’autre. En outre, celles-ci totalisent 3,5 milliards d’euros sur l’ensemble du 1er semestre 2023, contre 6,6 milliards à la même période en 2022.

Autre enseignement confirmé, le marché demeure polarisé au profit de Paris intra-muros, qui rassemble la moitié des volumes investis en bureaux en Ile-de-France depuis janvier. Plusieurs cessions comprises entre 30 et 80 millions d’euros ont été actées dans la capitale, à l’instar de la vente à BNP Paribas REIM du 70 boulevard de Courcelles dans le 17e arrondissement ou de l’achat par Tokoro Capital du 10 rue Henner dans le 9e arrondissement. Cela dit, la domination de Paris s’est érodée ce trimestre grâce à la finalisation de quelques transactions significatives dans le Croissant Ouest, sous la forme d’opérations d’externalisation notamment telles que Sequana à Issy-les-Moulineaux, ville dans laquelle la Société de la Tour Eiffel a par ailleurs acheté aux Nouveaux Constructeurs leur nouveau siège, Millésime. Knight Frank note aussi la vente par BASF à Weinberg Capital Partners et Henderson Park du 49 avenue Georges Pompidou à Levallois-Perret.

Ailleurs, les cessions significatives de bureaux demeurent très rares. En première et deuxième couronnes, les volumes ont été essentiellement gonflés par la vente à La Française de Link-It à Clichy, immeuble neuf loué à L’Oreal et celle par URW à Atland Voisin de l’immeuble V à Versailles. En région, Icade a finalisé la cession à Unofi des 8 220 m² d’Eko Active à Marseille pour près de 50 millions d’euros.

A quoi s’attendre pour le second semestre ?

Tandis que certains espéraient la fin du cycle de resserrement monétaire, la Fed et la BCE ont récemment annoncé de nouvelles hausses des taux en raison d’une inflation encore trop élevée.

« Alors que le 3e trimestre s’annonçait déjà très calme du fait du nombre restreint de grandes opérations en cours de finalisation, ce nouveau tour de vis va très probablement reporter à 2024 le redressement de l’activité. D’ici là, investisseurs et organismes de prêt resteront très frileux et plus que jamais attentifs à la qualité des actifs et aux fondamentaux des secteurs géographiques dans lesquels ils sont situés », anticipe Antoine Grignon.

Au vu des résultats du S1 2023, les sommes investies pourraient ne pas dépasser les 12 à 15 milliards d’euros, contre près de 27 milliards en moyenne lors des dix dernières années. Malgré cette forte chute des volumes investis, l’immobilier de placement reste attractif.

« La volonté d’investir dans la pierre est toujours là, mais les modalités d’allocation évoluent, allant notamment dans le sens d’une plus grande diversification. La tendance n’est pas nouvelle : en dépit d’une baisse - sans doute temporaire - des volumes, les bureaux en région ou la logistique occupent par exemple depuis quelques années une place plus importante sur le marché français. Cette redistribution des cartes, évidente depuis le déclenchement de la crise sanitaire, l’est encore plus depuis quelques mois. De plus en plus d’acteurs affirment ainsi leurs ambitions sur d’autres classes d’actifs, comme la santé, le life science, le résidentiel géré, l’hôtellerie ou encore l’enseignement, dont les volumes d’investissement sont quant à eux orientés à la hausse », conclut Antoine Grignon.