Stratégies

Life Sciences, stimulant de la demande immobilière en Europe

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

JLL vient de publier son rapport intitulé « 2024 EMEA Life Sciences Industry and Real Estate Trends ». D’après celui-ci, le secteur européen des Life Sciences (sciences de la vie) devrait connaître une expansion significative en 2024, stimulant la demande immobilière des entreprises et, par corollaire, les opportunités d’investissement.

Life Sciences, stimulant de la demande immobilière en Europe
Life Sciences, stimulant de la demande immobilière en Europe

Au cours des cinq dernières années, le nombre de nouvelles entreprises dans le domaine des Life Sciences a augmenté d’environ 13,5 % en Europe, avec une croissance à deux chiffres observée en Suisse (+17 %), au Royaume-Uni (+15 %) et en Allemagne (+15 %). Dans un récent rapport baptisé « 2024 EMEA Life Sciences Industry and Real Estate Trends », JLL relève que cette tendance devrait se poursuivre, grâce notamment à de nouveaux traitements médicaux et à des financements privés et publics. Entre une demande croissante et une offre limitée, ce marché génère des opportunités pour les investisseurs de répondre aux divers besoins immobiliers des entreprises, alors que les stratégies de portefeuille plus larges s’avèrent de plus en plus nécessaires pour assurer une croissance à long terme.

« Malgré un ralentissement de la création d’entreprises en 2022 et 2023, le secteur des Life Sciences continue de croître. Au cours des deux dernières années, cette industrie a connu une période de consolidation relative après une forte croissance. Les fusions-acquisitions augmentent depuis 2021, les grandes entreprises pharmaceutiques ciblant des startups innovantes, décrypte George Beaton, responsable Recherche Life Sciences, EMEA chez JLL. Nous nous attendons à ce que cet élan se poursuive en 2024 en raison de l’imminente  »falaise des brevets« , qui exposera annuellement 51,2 milliards de dollars de revenus à la concurrence des médicaments génériques ou biosimilaires au cours des six prochaines années. Dans ce contexte, les grandes entreprises pharmaceutiques cherchent donc à renouveler leur pipeline de médicaments nouveaux pour les années à venir », poursuit-il.

Du point de vue immobilier, le « Triangle d’or » Londres - Cambridge - Oxford devrait continuer son expansion avec l’arrivée sur le marché de nouveaux produits immobiliers dédiés, offrant ainsi davantage d’options aux entreprises ayant besoin d’espaces de laboratoire. Les pôles européens, tels que Paris et Berlin-Potsdam, devraient maintenir une forte dynamique grâce à l’apparition de nouveaux projets immobiliers. Barcelone, Stockholm-Uppsala et la région de Medicon-Valley sont également des marchés solides et établis où des opportunités se présenteront. D’autres zones attractives, à l’image de Gand, de la région du Rhin-Neckar et de Lyon, sont passées de marchés émergents à des marchés établis l’année dernière, tandis que des marchés plus petits présentent un fort potentiel, comme Birmingham, Bristol, Hambourg et Genève.

Trois poumons de croissance

Le rapport de JLL met en évidence trois moteurs importants de croissance et de demande immobilière cette année. Le premier d’entre eux repose sur un triptyque de nouveaux traitements médicaux : les agonistes du GLP-1 pour la perte de poids, les conjugués anticorps-médicament et la radiothérapie pharmaceutique. Ceux-ci sont en développement depuis deux décennies et commencent à montrer un potentiel significatif en termes d’efficacité clinique et de rentabilité. Ces développements, ainsi que de nombreux autres candidats prometteurs, créeront une demande d’espaces de laboratoire, mais aussi d’unités de production et de centres de distribution qui se développeront avec la commercialisation et la croissance de ces traitements.

L’autre facteur de croissance réside dans le contexte économique. Alors que les pressions inflationnistes diminuent et compte tenu des prévisions macro-économiques plus stables pour l’année à venir, JLL prévoit une augmentation de l’investissement en capital-risque qui entrainera une expansion du secteur. Les capitaux supplémentaires levés par les startups ayant déjà reçu un financement initial devraient en être le principal moteur. Cela devrait être particulièrement prononcé au Royaume-Uni, avec un financement en capital-risque de 14,7 milliards de dollars ciblant les entreprises des sciences de la vie de 2020 à 2023, ce qui représente plus d’un tiers de tous les investissements en capital-risque enregistrés dans la région de l’Europe élargie au cours de cette période. La France (6,8 milliards de dollars), la Suisse (4,7 milliards de dollars), l’Allemagne (4,1 milliards de dollars) et les Pays-Bas (2,5 milliards de dollars) suivent de plus loin.

Enfin, outre ces investissements privés, le secteur devrait bénéficier largement de financements gouvernementaux. Les investissements gouvernementaux et les projets financés par des fonds publics continueront à soutenir la croissance immobilière en Europe, encourageant la création de plusieurs pôles de recherche et développement dans les Life Sciences, tels que le « Triangle d’Or ». L’impact du programme « Horizon Europe », que le Royaume-Uni a réintégré cette année, devrait contribuer à la croissance du secteur et à la collaboration transfrontalière.

Une offre limitée créatrice d’opportunités d’investissement

Malgré une forte demande d’espaces pour les Life Sciences à travers l’Europe, JLL note que l’offre reste insuffisante. Par exemple, sur le marché immobilier du « Triangle d’or » au Royaume-Uni, les taux de vacance des laboratoires restent très faibles, environ 1 % à Cambridge et à Londres et 4 % à Oxford. En Europe continentale, le marché immobilier des Life Sciences est encore relativement récent, les laboratoires étant toujours considérés comme une classe d’actifs alternative.

Cette demande croissante pour une offre limitée suscite l’intérêt des investisseurs pour le modèle locatif d’espaces de laboratoire, en particulier pour les espaces de laboratoire partagés. Les partenariats entre les investisseurs et les promoteurs se multiplient également et se révèlent efficaces pour fournir des espaces adaptés aux besoins spécifiques des régions.

« Avec de nouveaux traitements médicamenteux, des programmes gouvernementaux et une plus grande disponibilité de capital-risque compte tenu d’une perspective macro-économique plus positive, le secteur des Life Sciences en Europe est prêt à croître cette année. Il existe une réelle opportunité pour les investisseurs immobiliers de profiter du déséquilibre entre l’offre et la demande, notamment sur des marchés établis tels que Londres, Paris, Berlin, mais aussi dans l’écosystème européen des sciences de la vie représenté par les 41 pôles clés, ainsi que sur des marchés émergents comme Birmingham et Barcelone », résume Alexander Nuyken, responsable marchés Life Sciences, EMEA chez JLL.

La carte à jouer de la France

Le rapport de JLL identifie quatre marchés français parmi les 41 clusters européens : Paris, Lyon, Montpellier et Lille. La France, aux côtés de l’Allemagne, est ainsi vue comme un marché à fort potentiel. Ces deux pays ont des industries des Life Sciences bien établis, mais le volet immobilier du secteur reste limité et encore essentiellement basé sur un modèle propriétaire-occupant. Le développement d’une offre locative dédiée, flexible et évolutive devrait bénéficier à l’industrie dans sa globalité en permettant à des jeunes entreprises de trouver des solutions immobilières en phase avec leurs modèles de croissance.

Malgré sa taille moindre que la plupart des clusters étudiés, de nombreuses institutions publiques et privées se concentrent à Lyon.

Le rapport porte un focus sur Lyon qui dénote par son riche écosystème Life Sciences et une offre locative très avancée, malgré sa taille moindre que la plupart des clusters étudiés. De nombreuses institutions publiques et privées se concentrent autour du Biodistrict Gerland et plusieurs développements le long de l’avenue Rockefeller ont connu des commercialisations réussies ces dernières années. En somme, la capitale d’Auvergne-Rhône-Alpes s’appuie sur son passé intrinsèquement lié à l’industrie pharmaceutique, tout en offrant des conditions immobilières propices au développement de ces plus jeunes entreprises.

Comme l’avait relevé Urban Land Institute (ULI) et PwC dans la dernière édition de l’étude Emerging Trends in Real Estate, le secteur des sciences de la vie s’impose comme un segment particulièrement attractif en France pour les investisseurs immobiliers, aux côtés des bureaux flexibles (flex offices) et du coliving.