Stratégies

Sobriété énergétique : et si les bureaux étaient fermés le vendredi ?

Par Alexandre Foatelli | Le | Rse

Cet article est référencé dans notre dossier : Les tendances du workplace en 2023

Alors que le Plan de sobriété énergétique lancé par l’Etat en octobre dernier engage les entreprises a prendre des mesures de réduction de leurs consommations, certaines d’entre elles ont pris le parti de fermer leurs bureaux un jour de plus par semaine. Une mesure qui doit permettre une économie de l’ordre de 10 %.

Du 13 janvier au 7 avril, la tour Neptune, occupée par Allianz France, sera fermée le vendredi. - © D.R.
Du 13 janvier au 7 avril, la tour Neptune, occupée par Allianz France, sera fermée le vendredi. - © D.R.

Avec son Plan de sobriété énergétique, le Gouvernement a proposé 15 mesures concrètes pour agir sur les consommations des entreprises. Parmi elles figure notamment le principe d’éteindre l'éclairage intérieur des bâtiments lorsqu’ils sont inoccupés. Or, depuis l’avènement du travail hybride, les taux d’occupations des bureaux sont devenus erratiques. Si l’ampleur des disparités entre les jours varie d’une entreprise à l’autre, la tendance générale est à des niveaux de présence important en milieu de semaine - avec une baisse le mercredi - et bas, voire très bas, autour des week-ends. En coulisses, certains responsables de l’environnement de travail confessent afficher des taux d’occupation à 15 % de moyenne le vendredi ! Dès lors, face à des bureaux largement sous-occupés, des entreprises ont envisagé de les fermer purement et simplement un jour de plus dans la semaine, en jetant naturellement leur dévolu sur le vendredi.

Vendredi, tout est… fermé

Parmi les pionniers en France, Colliers a annoncé dès novembre sa volonté de mettre cette pratique en œuvre durant « la période hivernale », en complément d’autres initiatives : la température de chauffage à 19°C, l’ajustement automatique de l’éclairage à la luminosité ambiante, et une communication renforcée sur les bonnes pratiques de réduction de la consommation d’énergie numérique. De son côté, Allianz France a pris un engagement similaire. D’abord, en condamnant et en arrêtant le chauffage sur six niveaux de la tour Allianz One (TAO) à La Défense durant la semaine entre Noël et le Jour de l’An. Et surtout, en fermant la tour Neptune chaque vendredi, son site le plus important de France (3 500 collaborateurs) voisine de TAO, à compter du 13 janvier et jusqu’au 7 avril 2023.

En coulisses, certains responsables de l’environnement de travail confessent afficher des taux d’occupation à 15 % de moyenne le vendredi.

Tandis Colliers met en avant une économie de 10 % attendue grâce à cette mesure, l’assureur se veut plus souple. « Nous sommes dans une logique de test & learn, explique Mathias Pattein, responsable Sobriété Energétique et Local Environmental Officer chez Allianz France. Nous espérons réaliser entre 5 et 10 % d’économie d’énergie, mais il est difficile d’anticiper les gains car on ne sait pas comment le bâtiment va réagir, notamment en termes d’inertie thermique ». D’ailleurs, l’entreprise a missionné un bureau d’études afin de s’assurer, entre autres, que le passage en mode « week-end » du chauffage un jour de plus ne risquait de s’avérer finalement contre-productive.

Fermer les bureaux ne s’improvise pas

Comme on peut s’en douter, choisir de ne pas ouvrir un IGH de 50 000 m² un jour supplémentaire dans la semaine durant trois mois nécessite de la préparation. En premier lieu, que faire des 3 500 collaborateurs qui occupent, même modestement, les lieux ? « Il n’était pas question d’obliger les salariés à télétravailler tous les vendredis, précise Mathias Pattein. Pour ceux qui veulent continuer à venir au bureau, ils seront accueillis au sein d’Allianz One, située juste en face ».

Cela étant, la tour d’accueil n’a pas la capacité de sa grande sœur (38 000 m²) et, surtout, n’est pas encore aménagée en bureau partagé. Bien que Neptune soit occupée à un peu moins d’un tiers de sa capacité le vendredi, recevoir 1 000 personnes de plus au sein d’Allianz One constitue un challenge en l’état actuel. « Nous avons tout de même fait un travail de pédagogie auprès des collaborateurs pour qu’ils organisent leur semaine en fonction », souligne le responsable Sobriété Energétique. Durant la semaine précédant le premier vendredi clos, le nombre de repas pris dans la tour Neptune était en hausse de 100 à 150 couverts par jour, « signe que les gens ont accepté de réserver leur vendredi au télétravail », en déduit Mathias Pattein.

L’acceptation par les salariés est d’autant plus importante pour ceux qui ont « besoin » de venir au bureau.

L’acceptation par les salariés est bien une donnée à prendre en compte en amont, d’autant plus importante pour ceux qui ont « besoin » de venir au bureau, que ce soit par impossibilité de travailler chez eux ou par nécessité d’avoir un poste de travail aménagé. Afin de minimiser l’impact de la fermeture, Allianz France a consulté les partenaires sociaux en amont, afin d’anticiper les besoins de ce type. En parallèle, l’assureur met à disposition de 200 de ses salariés en Île-de-France un accès à la plateforme Neo-nomade pour bénéficier de places de coworking, ce qu’a mis en place Colliers également.

Une fois que la question des occupants est réglée, reste encore à définir les modalités pour ceux qui s’occupent d’eux et du bâtiment au quotidien : les prestataires de services. Comme le rappelle Mathias Pattein, « les contrats de prestations sont définis sur cinq jours par semaine », d’où la nécessité d’adapter les tâches. « Nous avons demandé aux équipes de maintenance à ce que le vendredi soit dédié aux tâches de maintenance préventive, afin de privilégier les interventions curatives lorsque les collaborateurs en ont besoin. De la même façon, les prestations de propreté regroupent tout ce qu’il est plus commode de faire quand les bureaux sont inoccupés le vendredi », souligne Mathias Pattein. Quant à l’aspect sureté et sécurité, la fermeture ne change rien pour ainsi dire, puisque le PC sécurité de Neptune est opérationnel 24/7.

En marge de ces initiatives privées et en attendant les résultats précis, l’Ademe et l’Ifpeb ont partagé leurs enseignements à mi-parcours d’une expérimentation censée définir dans quelles conditions le télétravail permet un bilan énergétique positif. Durant cinq mois, l’étude a suivi les consommations sur les lieux de travail, le domicile et des transports pour une centaine d’agents volontaires travaillant dans dix sites d’institutions publiques (ministère de la Transition énergétique, MTECT, Smer, Ademe). Les premières conclusions montrent que le télétravail a lui seul permet des économies d’énergie durant l’hiver moins importantes que les mesures de sobriété (baisse du chauffage). En revanche, lorsque le télétravail est doublé d’un protocole de fermeture, les consommations énergétiques en kWh/jour/agent baissent de 32 %. Si ces premiers enseignements doivent encore être affinés, ils semblent conforter la pertinence de cette mesure. 

En attendant de recueillir les enseignements de expérimentations, la fermeture des bureaux le vendredi a ses détracteurs. Alors que la plupart des employeurs investissent pour que leurs bureaux soient attractifs afin que leurs salariés s’y rendent le plus possible, il apparaît pour certains totalement antinomique de prendre une telle mesure. Des alternatives fleurissent ici et là, comme le fait de ne condamner qu’une partie des espaces (un plateau, un ou plusieurs étages…) et de regrouper les collaborateurs qui continuent de se déplacer le vendredi. Et vous, prêts à fermer vos bureaux le vendredi ?