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La géo-énergie, pour des bâtiments future friendly

Par Alexandre Foatelli | Le | Multitechnique

La physique au service des bâtiments. En 2018, Alice Chougnet, physicienne de formation, cofonde Geosophy, avec l’ambition de promouvoir la géo-énergie. Proche parent de la géothermie, cette technique fournie la chaleur et le froid nécessaire à moindre frais, économiques comme énergétiques.

Alice Chougnet, cofondatrice et CEO de Geosophy. - © Paxel
Alice Chougnet, cofondatrice et CEO de Geosophy. - © Paxel

À la tête de Geosophy, Alice Chougnet ambitionne de contribuer aux besoins de chauffage et de climatisation des immeubles tertiaires, tout en mettant en avant une technologie durable et responsable. Le parcours de cette physicienne commence pourtant dans une filière bien moins future friendly, à savoir l’industrie pétrolière. « J’ai travaillé dans les opérations de forages profonds en Allemagne, où l’on cherchait du gaz ou de l’eau à haute température pour faire de la géothermie profonde », relate-t-elle. Après l’opérationnel, la diplômée de l’ESPCI Paris entame un travail sur l’intégrité des forages pétroliers, afin de s’assurer que ces derniers ne fuient pas. Elle y développe notamment des capteurs permettant de connaître la composition du sous-sol. À l’approche de ses 40 ans, Alice Chougnet prend la résolution de mettre ce savoir-faire au service de quelque chose d’autre. « Bien que le secteur pétrolier ait massivement investi en matière de R&D, j’avais le sentiment que mes compétences pouvaient servir à un projet plus durable », pose-t-elle. Ce projet, ce sera Geosophy.

Géo-énergie

Aux côtés de Jacques Goulpeau, nommé directeur général en 2021, elle dirige cette l’entreprise basée sur la géo-énergie, un principe relativement proche de la géothermie profonde, mais néanmoins plus vertueux. « Avec la géo-énergie, on ne va qu'à quelques mètres sous la surface chercher une zone où la température est stable toute l’année, autour de 12 à 15°C. C’est l’image des terriers que font certains animaux, qui leur permet d'être au frais l'été et plus au chaud l’hiver », présente Alice Chougnet.

Geosophy utilise des ressources du sol présente qu'à quelques mètres sous la surface. - © Geosophy
Geosophy utilise des ressources du sol présente qu'à quelques mètres sous la surface. - © Geosophy

Avec la géo-énergie, on va sous la surface chercher une zone où la température est stable toute l’année, autour de 12 à 15°C.

Cependant, Geosophy ne propose pas à ses clients de vivre tels des lapins de Garenne ! La première étape - gratuite - consiste à étudier la faisabilité technique de la mise en place en écartant les risques géologiques d’une adresse donnée. Si le projet est viable, Geosophy recherche les prestataires pour effectuer les forages, puis intervient en tant qu’AMO pour faire le lien entre les acteurs du « sous-sol » et ceux du bâtiment et accompagner ses clients jusqu’au suivi d’exploitation.

Concrètement, avec la géo-énergie, ce qui est dans le sous-sol y reste. « Nous fonctionnons soit en circuit ouvert, en captant l’eau déjà présente dans le sol pour récupérer sa température via un échangeur et la rejeter, soit en circuit fermé où nous faisons circuler notre eau dans des tubes étanches pour capter la température de la même manière », explique Alice Chougnet. Une fois que cette température, oscillant entre 12 et 15°C, est emmagasinée, elle peut être utilisée directement, avec des équipements adaptés tels que des planchers ou des plafonds rayonnants, pour rafraîchir en été. Lorsqu’il s’agit de chauffer l’immeuble en hiver, Geosophy dispose une pompe à chaleur, qui amène à la température au régime souhaité par l’occupant et amène l’eau chaude dans le bâtiment.

Geosophy avance des consommations électriques divisées par cinq en chaud et entre 10 et 20 en froid.

« La différence fondamentale entre ces pompes à chaleur géo-énergétiques et leurs homologues aérothermiques, c’est qu’elles ne génèrent aucune nuisance : elles ne soufflent pas d’air chaud en extérieur et ne provoquent pas de nuisances sonores, puisqu’elles sont enterrées. Qui plus est, elles ont un gros atout sur le plan énergétique, puisqu’elles ne sont pas tributaires de la température de l’air extérieur. Elles ont ainsi bien moins d'énergie à fournir pour chauffer ou rafraîchir », vante Alice Chougnet. Ainsi, Geosophy avance des consommations électriques divisées par cinq en chaud et entre 10 et 20 en froid , et une réduction de l’empreinte carbone d’un bâtiment pouvant aller jusqu’à 90 %.

Freins politiques, techniques et économiques

Malgré ces atouts, la géo-énergie reste une technologie mal-connue, bien que les besoins en matière thermique soient importants. « Le développement de cette technologie se trouve entravé par des freins politiques : en Suède, par exemple, on dénombre 50 fois plus d’installations en géo-énergie par an par habitant, tout simplement parce que la décision a été prise dès les premiers chocs pétroliers des années 1970, souligne Alice Chougnet. La technicité est un autre frein, car cette technologie nécessite un travail de vulgarisation pour sortir des idées reçues et pour que les utilisateurs se projettent dans son usage », ajoute-t-elle.

Malgré ces atouts, la géo-énergie reste une technologie mal-connue, bien que les besoins en matière thermique soient importants.

Par ailleurs, l’investissement peut sembler important. Mais Geosophy sait argumenter son ROI. L’outil permet dans sa seconde phase d’estimer si l’installation sera favorable économiquement en fonction des ressources disponibles, de l’adéquation avec les besoins du bâtiment, de la complexité de la mise en œuvre et de la valorisation de l’actif dans la perspective du décret tertiaire. De plus, la géo-énergie peut compter sur l’aide de l’Etat et de son Fonds Chaleur, géré par l’Ademe, qui prend en charge entre 30 et 40 % des investissements, auxquels s’ajoutent des mesures complémentaires dans certaines régions, comme le Grand-Est.

Ainsi, au fil du temps, la jeune pousse se développe auprès des grands comptes du secteur. « On a d’ores et déjà travaillé avec la plupart des foncières référentes du marché et nous comptons 19 clients parmi lesquels Covéa Immobilier, La Française, Gecina, Allianz, Groupama Immobilier ou encore SNCF Immobilier », cite la CEO. Geosophy, qui œuvre aujourd’hui principalement dans l’ancien, mais commence à intervenir dans les projets neufs, à la faveur de la RE2020 qui va imposer de sortir des énergies fossiles. « Nous envisageons d’adresser également les grands utilisateurs, qui ont elles aussi du patrimoine immobilier, ainsi que les logements sociaux. Par ailleurs, nous souhaitons nous étendre géographiquement avec le Royaume-Uni et l’Allemagne », annonce Alice Chougnet. Petit à petit, Geosophy creuse son trou !