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Philippe Jouanny (FEP) : « La pandémie a levé le voile de l’invisibilité sur la propreté »

Par Alexandre Foatelli | Le | Services

Ils ont fait partie des essentiels quand il s’est agi de revenir dans les entreprises au sortir des confinements. Désormais, et plus encore qu’hier, la propreté des espaces de travail est au cœur des préoccupations pour les entreprises et leurs salariés. Républik Workplace a interrogé Philippe Jouanny, président de la Fédération des entreprises de propreté (Fep), l’organisation patronale représentative du secteur, afin de faire le point sur les enjeux qui se posent à lui.

Philippe Jouanny, président de la Fédération des entreprises de propreté (Fep). - © Sébastien Borda
Philippe Jouanny, président de la Fédération des entreprises de propreté (Fep). - © Sébastien Borda

Diriez-vous que la pandémie a permis d’avancer significativement sur le sujet récurrent du travail en journée des personnels de la propreté ?

Le Covid-19 et ses conséquences ont déjà permis de redéfinir notre activité comme étant indispensable. Dans la mise en place des protocoles sanitaires et dans une problématique de faire revenir les collaborateurs de nos clients au bureau, la mise en place des interventions en journée et en coactivité avec les occupants est apparue nécessaire pour rassurer ces derniers. Cette situation a levé le voile de l’invisibilité sur le secteur de la propreté. Cela fait effectivement dix ans que la FEP travaille sur ce sujet : nous avons fait des demandes à l’Etat, des circulaires, des accompagnements de clients, développé une boîte à outils et même une clause type à destination des acheteurs pour intégration dans leur cahier des charges. L’effet devrait être durable, car d’après des études d’opinion 89 % des entreprises-clientes qui sont passés au travail en journée ne veulent pas revenir en arrière, et 85 % des sociétés de propreté sont passées sur ce mode ou on l’intention de leur faire, contre 65 % dix ans auparavant.

Attention cependant, car la mise en place du travail en journée ne peut pas se faire sans concertation. Si une entreprise décide unilatéralement d’imposer à son prestataire de propreté que ses agents interviennent de 9h à 12h au lieu de 6h à 9h, l’agent concerné peut perdre son autre contrat qu’il effectuait de 10h à 14h. Enfin, outre le travail en journée, mais l’autre problématique qui se pose aux agents d’entretien c’est la fragmentation de l’activité, avec de longues plages horaires inactives entre le matin et le soir. Notre objectif est aussi, quand cela est possible, de ramasser les horaires sur la journée, pour permettre aux agents d’avoir un agenda moins contraignant.

Le secteur de la propreté est-il frappé par la « guerre des talents » et/ou le « big quit » ?

Nous sommes un secteur en pénurie de main d’œuvre. Cela entraîne des situations où des entreprises de propreté sont susceptibles de refuser des clients par manque de personnel. Une situation d’autant plus significative que notre secteur repose sur la reprise du personnel, à savoir que si un prestataire perd un marché, le personnel reste sur le site et change d’employeur, ce qui devrait garantir une certaine garantie de l’emploi. Nous sommes également confrontés à une pyramide des âges vieillissante, avec une moyenne de 48 ans, et à une difficulté structurelle pour pourvoir des postes, malgré les 10 000 emplois nets créés par an partout en France. Le secteur est pénalisé par une image peu reluisante et une méconnaissance de sa variété.

La FEP organise une Semaine des métiers de la propreté du 20 au 25 juin.

Pour tenter d’inverser la tendance, la FEP organise une Semaine des métiers de la propreté du 20 au 25 juin. Partout en France, des portes ouvertes et des job datings seront proposés dans les entreprises de propreté, dans nos maisons des métiers de la propreté, sur des parvis d’Hôtel de Ville ou chez nos partenaires comme Pôle Emploi. Cela s’accompagnera d’une campagne de promotion sur les réseaux sociaux et d’un site Internet regroupant à date 18 000 annonces d’emplois. Le but sera de changer l’image du secteur et de faire correspondre des profils à l’éventail des métiers qu’il génère.

L’exposition aux produits chimiques pour le personnel de propreté est-il une source de préoccupation pour vous ?

La FEP a conduit des études sur l’exposition au risque chimique encouru par nos salariés, indiquant que les seuils d’exposition règlementaires ne sont jamais atteints. Les produits utilisés sont de plus en plus encadrés et labellisés. Par ailleurs, nous faisons un grand travail de promotion de ce que nous appelons la juste désinfection. La désinfection c’est comme les antibiotiques, ce n’est automatique.

Nous avons travaillé sur un diagnostic des usages par site dans le but d’aider nos clients à réfléchir sur les enjeux de propreté qui sont les leurs en fonction de l’usage de leur bâtiment.

Nous allons prochainement publier un guide sur le sujet pour promouvoir un usage juste des produits de désinfection.

Etes-vous en mesure d’estimer le coût du poste propreté pour une entreprise ?

À surface égale, la prestation de propreté dans les locaux d’une entreprise dépend de multiples facteurs : comment sont rangés les bureaux, sont-ils neufs ou anciens, quels sont les revêtements de sol, quelles sont vos attentes en termes de propreté selon si ces locaux accueillent ou non du public par exemple… Il n’est donc pas possible de donner une estimation générale, et c’est pour cela que la réflexion de coût par mètres carrés n’a pas de sens en soi. Cela étant, nous avons travaillé sur un diagnostic des usages par site dans le but d’aider nos clients à réfléchir sur les enjeux de propreté qui sont les leurs en fonction de l’usage de leur bâtiment. C’est ce qui leur permettra de calibrer leurs attentes de prestations de façon plus précise et adaptées aux désidératas des utilisateurs présents sur ces sites.