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Le paradoxe de la sociabilité dans l’aménagement des bureaux


Les salariés aiment leurs collègues… mais réclament plus de calme. C’est l’un des paradoxes mis en lumière par l’étude Bruits de couloir, menée par Morning et Appinio auprès de 500 actifs. Si les moments de convivialité restent au cœur de l’expérience de bureau, la quête d’isolement, de flexibilité et de concentration redessine les attentes en matière d’aménagement. À l’heure du travail hybride, comment concilier besoin de lien et exigence de confort ?

Entre convivialité et concentration, ce que les actifs recherchent vraiment dans leurs bureaux - © Image générée par IA
Entre convivialité et concentration, ce que les actifs recherchent vraiment dans leurs bureaux - © Image générée par IA

Convivialité, échanges informels, rires entre collègues… Lorsqu’on demande aux salariés ce qui fait une bonne journée de travail, ce sont d’abord les interactions humaines qui ressortent. Loin d’être relégué au second plan, le lien social reste au cœur de l’expérience de bureau. Pourtant, les mêmes salariés aspirent de plus en plus à s’isoler, fuir le bruit et rêver de télétravail ou de bureaux fermés.

Ce paradoxe apparent, mis en lumière par l’étude Bruits de couloir menée par Morning et Appinio auprès de 500 actifs, interroge en profondeur nos façons de concevoir l’environnement de travail. Car si le lien social est un pilier du bien-être, encore faut-il qu’il s’inscrive dans un cadre choisi.

Le lien social, ingrédient essentiel du bien-être au travail

Qu’est-ce qui fait une bonne journée de travail ? Pour plus de la moitié des actifs interrogés, ce sont d’abord les moments de convivialité entre collègues. 53 % des répondants placent les échanges humains au cœur des critères qui participent à leur bien-être quotidien. L’émotion associée à ces interactions dépasse largement le cadre professionnel : pour beaucoup, le bureau est aussi un lieu de vie.

Ces données remettent en question l’idée selon laquelle le travail serait perçu comme une activité strictement productive. Au contraire, l’étude montre que le rôle social du bureau reste déterminant. Et ce constat transcende les générations, puisque la convivialité arrive en tête quelle que soit la tranche d’âge, preuve que le besoin d’appartenance reste fondamental.

Au-delà des échanges entre collègues, les actifs interrogés valorisent aussi des aménagements propices à ces interactions : 46 % apprécient l’accès à des espaces extérieurs, 36 % une offre de restauration diversifiée, et 23 % plébiscitent la possibilité de faire du sport sur leur lieu de travail. Autant d’éléments qui contribuent à renforcer la qualité de vie au bureau en favorisant les rencontres et les temps collectifs.

Mais attention, ce besoin de lien est aussi très contextuel. Il ne se décrète pas, il se cultive. Et lorsqu’il devient subi, dans des environnements trop bruyants ou trop denses, il peut se transformer en facteur d’inconfort. C’est le paradoxe que l’étude met en lumière, les salariés veulent du lien… mais pas à n’importe quel prix.

Le revers du lien : une recherche croissante d’isolement et de calme

Mais, si les salariés apprécient leurs collègues et les moments de convivialité, nombreux sont ceux qui aspirent à retrouver de l’intimité dans leur environnement de travail. Le constat est clair, 44 % des actifs interrogés aimeraient changer de configuration de bureau. Et lorsqu’on leur demande leur poste idéal, ce sont les solutions les moins exposées à la promiscuité qui arrivent en tête : 36 % plébiscitent le bureau fermé individuel, et 24 % le 100 % télétravail. L’open space, pourtant encore très répandu dans 33 % des configurations actuelles, n’est préféré que par 14 % des répondants.

Ce décalage s’explique par les nuisances ressenties au quotidien. Le bruit est de loin la première source de perturbation avec 60 % des actifs qui pointent un environnement bruyant comme un facteur nuisible à leur journée de travail. Viennent ensuite la mauvaise qualité des outils pour 47 % d’entre eux et l’inconfort global de l’espace selon 42 % des répondants. Les témoignages évoquent le manque de confidentialité, l’impossibilité de se concentrer, le défaut de rangements ou encore une climatisation mal réglée.

Ces frustrations impactent directement le niveau de satisfaction selon les configurations : 97 % des travailleurs en bureau fermé individuel se disent satisfaits, contre 79 % pour ceux en open space. Autrement dit, plus l’espace est ouvert, plus les risques de désengagement augmentent.

« Les répondants font donc un distinguo net entre les moments de travail, pour lesquels ils recherchent un espace préservé des distractions, et les moments de partage avec leurs espaces dédiés. Dans l’aménagement des bureaux, attention à ne pas confondre convivialité et promiscuité. Si le lien social reste essentiel au bien-être des salariés, il ne doit pas se faire au détriment du confort. Le bruit, la surcharge des open spaces ou l’absence de lieux de repli peuvent engendrer frustrations et désengagement », analyse Aude Valtier, cheffe de projet aménagement sur mesure pour Morning.

Bureaux, télétravail, nuisances : les chiffres clés de l’étude Morning & Appinio sur le bureau - © Morning et Appinio
Bureaux, télétravail, nuisances : les chiffres clés de l’étude Morning & Appinio sur le bureau - © Morning et Appinio

Vers un bureau hybride, modulable et choisi

Ce besoin d’isolement ne signe pas pour autant la fin du bureau : il invite plutôt à repenser son aménagement.

« Il s’agit aujourd’hui d’accompagner cette mobilité en offrant un écosystème de travail ouvert, modulable, adapté aux profils variés, tout en veillant au bien-être de chacun. La flexibilité n’est pas une perte de contrôle : c’est un levier d’autonomie, d’engagement et de responsabilisation », commente Aude Valtier, cheffe de projet aménagement sur mesure pour Morning.

Cette attente de modularité se manifeste clairement dans les usages liés au télétravail. Parmi les actifs autorisés à télétravailler, soit 73 % des répondants, 96 % le font au moins occasionnellement. Et parmi eux, 46 % ne se contentent pas de leur domicile : ils investissent aussi des lieux tiers comme des cafés, des espaces de coworking ou même des trains. Loin d’un repli solitaire, cette mobilité traduit une recherche de cadres stimulants, d’interactions choisies et de rupture avec la routine.

Les chiffres sont encore plus marqués chez les plus jeunes. La génération Z, qui n’a jamais connu un monde du travail sans télétravail, est la plus nomade : 69 % d’entre eux télétravaillent régulièrement en dehors de leur domicile. Pour ces jeunes actifs, le bureau n’est pas un lieu fixe, mais une expérience mobile, à articuler selon les besoins pour apprendre, collaborer, se concentrer, se ressourcer.

Face à ces évolutions, les actifs expriment un besoin massif de flexibilité, au-delà du seul choix du lieu. Dans la hiérarchie des avantages non financiers, les préférences sont nettes pour la flexibilité des horaires et du lieu de travail, la semaine de 4 jours ou encore des congés supplémentaires

Ces aspirations redessinent les contours de la présence au bureau, qui devient une destination choisie plutôt qu’une obligation structurelle. L’étude souligne que la productivité et la créativité ne sont plus attachées à un lieu unique, mais à un environnement globalement bien pensé, qui respecte les rythmes et les préférences individuelles.

Comme le résume Aude Valtier, « l’enjeu n’est plus de trancher entre bureau et télétravail, mais de proposer des environnements flexibles, inspirants et cohérents, capables d’accompagner tous les usages sans en privilégier un seul. »

Il s’agit désormais de penser le travail comme une expérience globale, dans laquelle le lieu n’est plus une contrainte, mais un choix éclairé, tant au service de la performance et de la créativité que du bien-être.

Concepts clés et définitions : #Open space