Stratégies

Jean-François Bouillé (Maif) : « Nous voudrions accélérer nos productions d’énergie renouvelable »

Par Alexandre Foatelli | Le | Rse

Ayant déjà pensé à optimiser ses consommations d’énergie sur son siège social dès sa construction en 1979, la Maif fait désormais figure de précurseur en matière de performance énergétique. Depuis 2015, l’assureur mutualiste a conçu une stratégie concrète conduite par Jean-François Bouillé et ses équipes. Le directeur immobilier, environnement de travail et moyens généraux de la Maif nous la présente.

Entre 2015 et 2021, la performance énergétique de la Maif s’est améliorée de 21 %. - © Melanie Chaigneau/MAIF
Entre 2015 et 2021, la performance énergétique de la Maif s’est améliorée de 21 %. - © Melanie Chaigneau/MAIF

A quand remonte l’engagement de la Maif sur la performance énergétique de son immobilier ?

La consommation d’énergie a toujours constitué un sujet dont la mutuelle s’est préoccupée. Pour preuve, dès la construction du siège de la Maif à Niort, une boucle de récupération thermique permettait de capter la chaleur des data centers pour chauffer les bâtiments. Cette initiative a désormais 43 ans, et c’était un procédé assez avant-gardiste à l’époque. Cependant, il est vrai que le sujet de le performance énergétique a très longtemps été un sujet avant tout économique. Depuis 2015, avec la structuration d’une cellule dédiée et le recrutement de Loréline Sorel en tant que responsable Energie & Environnement, c’est devenu une thématique environnementale autant qu’économique.

Quelle méthode a appliqué la Maif pour optimiser son empreinte énergétique ?

La première action a été de structurer un système de management de l’énergie. Avant de se lancer à corps perdu dans l’optimisation de la production d’énergie et des émissions carbone, nous avons pris le parti d’élaborer une stratégie à moyen/long terme. Pour cela, nous sommes passés par le certification ISO 50001, pas tant pour pouvoir afficher un label à notre démarche, mais surtout parce que cette norme oblige à structurer les actions mises en place.

Nous sommes dans une dynamique d’amélioration continue.

Elle ne fixe pas des objectifs de résultats, mais des obligations de moyens pour améliorer notre performance énergétique. En outre, notre volonté a été de se placer dans une dynamique d’amélioration continue et de ne jamais se contenter des résultats obtenus, mais de remettre à jour nos objectifs chaque année.

Concrètement, quelles sont les actions phares mises en œuvre par la Maif ?

Concernant la consommation, un programme pluriannuel de travaux sur l’ensemble de nos immeubles - isolation, menuiseries, CVC - nous permet de réduire notre impact énergétique. Nous avons aussi agi sur la production d’énergie, avec l’installation de 2 373 panneaux photovoltaïques - soit 4 150 m² - entièrement dédiés à l’autoconsommation et de la géothermie pour 58 000 m² des 83 000 m² du siège de Niort. D’ores et déjà, nos grands immeubles sont certifiés HQE. Concernant les résultats tangibles, notre performance énergétique s’est améliorée de 21 % entre 2015 et 2022.

Cette stratégie de production d’énergie suffit-elle pour être pour être autonome ? Est-ce une vocation ?

Surtout pas ! L’autonomie sur le plan énergétique est un piège. Une part d’autoconsommation, par une production renouvelable (solaire, éolien, géothermique, etc.) est vertueuse, mais en cas de problème sur l’infrastructure, on se retrouve dans le noir.

Nous avons la volonté de limiter notre exposition à la volatilité du marché traditionnel.

Il est nécessaire d’avoir des ressources fiabilisées - et le réseau électrique français est pratiquement infaillible - dans le cadre d’un mix énergétique. Cela étant, nous avons la volonté de limiter notre exposition à la volatilité du marché traditionnel, et l’autoconsommation est un premier moyen d’y parvenir.

Comment réussir à s’assurer que l’énergie consommée est vertueuse ?

L’autre volet de notre démarche vis-à-vis du marché consiste à acheter auprès de fournisseurs d’énergie. Aujourd’hui, la Maif a contracté avec deux fournisseurs engagés, l’un ayant le statut d’entreprise à mission (Volterres) et l’autre le statut de SCIC* (Enercoop). Ces derniers ne se « contentent » pas des Garanties d’Origine (GO) telles que les fournissent les acteurs traditionnels du marché. Ils s’attachent à sourcer autant que possible leur énergie directement auprès de producteurs français d’énergie renouvelable et contribuent à faire émerger de nouvelles centrales EnR** en France.

Quid des autres aspects de consommation responsable ?

La Maif a effectivement des démarches sur d’autres volets, notamment sur les matériaux. Sur tous nos chantiers, nous mettons en place des dispositifs de recyclage et de réutilisation des matériaux dans le cadre de notre charte « chantier propre ». D’autre part, nous déployons depuis plusieurs années du réemploi, que ce soit sur le mobilier avec des acteurs tels que Bluedigo ou Merci René, mais aussi sur les peintures, les moquettes ou les cloisons. Certes, cette branche ne représente qu’une faible part de notre consommation, car la filière n’est pas encore mature.

Et puis nous avons aussi travaillé sur la question des déchets. La Maif a notamment fait partie des premiers clients de Recygo, une joint-venture entre La Poste et Suez. En s’appuyant sur la flotte de véhicules électriques du groupe La Poste - la première au monde - Recygo consiste à faire collecter les déchets de bureaux par les facteurs lorsqu’ils livrent et relèvent le courrier. Sans oublier notre offre de restauration et nos espaces verts sur le siège social, qui sont tous deux labellisés dans une démarche responsable, le premier Mon Restau Responsable et le second Ecojardin.

Quelle serait la prochaine étape de la stratégie énergétique de la Maif ?

Nous allons continuer à améliorer la performance de nos bâtiments en challengeant les innovations. D’une part, nous poursuivons notre démarche de réduction de la consommation, notamment en challengeant nos usages. D’autre part, nous envisageons d’accélérer le déploiement de productions d’énergie renouvelable. Plusieurs solutions sont possibles et à l’étude : l’investissement sur nos sites dans des centrales de production en autoconsommation, et le recourt à un Green Power Purchase Agreement (Green PPA).

Le Green PPA […] est complexe et nécessite un accompagnement juridique dans la durée, mais il permet de financer indirectement une production d’énergie durable.

Schématiquement, il s’agit d’un dispositif liant à moyen/long terme un producteur d’énergie, qui bénéficie de revenus fixes garantis pour pouvoir financer ses infrastructures, et un consommateur, qui reçoit en contrepartie une énergie verte à un prix fixe sur toute la durée du contrat. Ce type de contrat est complexe et nécessite un accompagnement juridique dans la durée, mais il permet de financer indirectement une production d’énergie durable, tout en préservant un prix compétitif pour les entreprises consommatrices. 


* Société coopérative d’intérêt collectif

**Energie renouvelable