Comment se porte l’offre de coworking en France en 2024 ?
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Cet article est référencé dans notre dossier : Coworking, bureaux opérés… où en est-on en 2024 en France ?
Pour la 3e année consécutive, l’Ubiqdata propose une radiographie de l’offre de coworking et de bureaux flexibles. Un instantané dans une période particulière, marquée par la contraction continue de la demande de bureaux des entreprises et la chute de WeWork.
Entre une demande placée des entreprises qui dégringole encore (-12 % en un an à fin septembre) et la déliquescence de WeWork, on aurait pu craindre que le marché du coworking et des bureaux flexibles au sens large soit stoppé dans son élan. Cependant, les acteurs du secteur ont fait étalage de leur sérénité et leur optimisme envers l’avenir.
Observateur de l’évolution du marché depuis trois ans, l’Ubiqdata, édité par la plateforme référençant l’ensemble des solutions de bureaux Ubiq, fournit des chiffres pour appréhender la réalité de l’offre, de la demande et de l’usage de ces espaces en 2023 en France.
Une offre toujours en croissance
Coworking, bureau opéré, sous-location… l’offre de bureaux flexibles continue de croître. Comme l’avait anticipé la dernière édition de l’Ubiqdata, le parc des grands acteurs du coworking en France dépasse maintenant le million de mètres carrés et atteint 1 082 398 m², répartis sur 3 591 espaces identifiés. Près de 105 000 m² supplémentaires ont été ouverts en 2023.
De son côté, et comme c’était aussi attendu, le bureau opéré continue son ascension aux côtés du coworking. Avec 290 000 m² recensés, ce produit spécifique enregistre une croissance de 46 % en un an. Paris compte à elle seule 593 bureaux opérés répartis sur 403 adresses.
Quant à la sous-location, elle reste un petit marché. Néanmons, elle s’impose comme un véritable thermomètre de l’activité économique.
« Nous observons une croissance moyenne de l’offre en sous-location de 50 % en deux ans avec des fluctuations importantes, dont un pic lors du premier semestre 2023 », indique Mehdi Dziri, directeur général d’Ubiq.
D’après l’étude, cette offre a été partiellement alimentée et transformée par le stock de bureau flexible, au sein duquel les entreprises sous-louent des postes de travail.
« Nous constatons au cours des deux dernières années une hausse de près de 15 % des prix par poste en sous-location, souligne Mehdi Dziri. Comme les sous-locataires bénéficient des services proposés dans ces espaces de bureaux opérés, il existe un phénomène de premiumisation sur ce segment. »
Un coût en hausse, mais toujours attractif
En 2022, l’Ubiqdata constatait déjà une augmentation globale des prix en coworking partout en France, notamment due à la montée en gamme des grands acteurs du marché. Cette année, la tendance se vérifie en moyenne pour les grandes métropoles.
Selon les données de la plateforme, c’est à Lyon et Bordeaux que les plus fortes augmentations de prix en bureaux fermés - respectivement 11 % et 19 % - se produisent. Cependant, la hausse globale ne se retrouve pas dans toutes les métropoles. À Paris le stock de bureaux en coworking en pleine expansion en 2022 a obligé les acteurs à adapter leurs prix pour répondre à la demande actuelle. Peut-être que la maturité tarifaire en coworking a été atteint dans la capitale…
Quant au bureau opéré, la comparaison budgétaire avec un bureau traditionnel tourne à son avantage… à condition de ne pas faire une comparaison brute des charges. L’étude souligne que la comparaison doit intégrer deux variables essentielles de l’ensemble du coût d’un projet bureau : le coût des travaux, de l’aménagement des bureaux et son amortissement dans le temps et le coût humain associé à la gestion opérationnelle des lieux. Avec l’ensemble de ces paramètres pris en compte, le bureau opéré est économiquement plus intéressant que le bureau traditionnel au-deçà de 27 mois passés dans les locaux.
Avec une offre pléthorique et des coûts globalement raisonnables, et alors que la flexibilité n’a jamais été aussi d’actualité dans la recherche d’espaces de travail, la demande des entreprises pour les bureaux flexibles est au rendez-vous. À Paris, de janvier à septembre 2023, les entreprises ont emménagé dans 126 000 m² de bureaux flexibles, dont 82 000 m² en coworking 44 000 m² en bureau opéré. L’incontournable bureau traditionnel, regroupe quant à lui, 595 000 m² de demande placée.
« Alors que selon les arrondissements, le bureau flexible représente entre 1 et 5 % seulement du stock de bureau parisien, il réalise l’équivalent de 23 % des transactions de bureau traditionnel », précise Mehdi Dziri.
Un modèle économique qui tient
Même si les indicateurs d’offre et de demande dressent un tableau idyllique du marché des bureaux flexibles, la déconvenue d’un acteur majeur tel que WeWork pose question sur la viabilité des modèles économiques. D’autant que, dans un contexte économique difficile et alors que les bureaux constituent une ligne de coûts importante dans le budget des entreprises, l’année 2023 est marquée par les négociations de loyers.
Ainsi, les négociations obtenues cette année sur les signatures réalisées via Ubiq peuvent aller jusqu’à 36 %, et sont en moyenne de 10 %. En parallèle, le temps de recherche s’est allongé, allant jusqu’à 54 jours en moyenne pour les recherches de plus de 20 postes et la durée d’engagement s’est contractée, tombant de 16,5 mois en 2021 à 12,8 en 2022 et 11 mois en 2023.
« Dans les faits, chaque espace a son modèle économique qui lui est propre et qui est viable, malgré les indécisions, négociations et engagements plus courts, tempère Mehdi Dziri. Il est tout de même indéniable que les marges sont moins importantes cette année. »
Des utilisateurs conquis
Si le marché du coworking poursuit son développement en France, c’est aussi parce qu’il a su séduire les utilisateurs finaux. Alors que le bureau est considéré comme une incarnation et un vecteur de développement de la marque employeur, pour les entreprises ayant fait le choix du coworking, le constat est sans appel. 73 % des collaborateurs sont fiers de leur espace de travail lorsqu’ils accueillent un client, un prospect ou un candidat. En outre, ils seraient 68 % à recommander à une autre entreprise de prendre un bureau dans leur espace de coworking.
Du point de vue de l’usage, la tendance est sans équivoque. Alors la question de la fréquentation des bureaux est cruciale pour les décideurs, 80 % des travailleurs sondés viennent plus de 3 jours par semaine dans leur espace de coworking, et plus de 50 % d’entre eux s’y rendent 4 à 5 jours par semaine.
« Désormais, aller travailler suggère aussi d’autres activités annexes, et les espaces de coworking et les bureaux opérés, avec leurs offres de services, répondent parfaitement à ces aspirations », détaille le dirigeant d’Ubiq.
Le bureau flexible face au défi environnemental
Enjeu majeur du XXIe siècle, l’urgence climatique s’impose à tous les acteurs de l’immobilier tertiaire, pesant près de 40 % des émissions carbone de la France. Pour les opérateurs de bureaux flexibles, le défi sera de penser leur offre à l’aune de cette urgence. Les utilisateurs et le cadre réglementaire les poussent déjà à penser l’offre la plus responsable possible. Ce challenge pousse à réfléchir en termes d’intensité et de variété d’usage des lieux, pour valoriser des utilisateurs actifs plutôt que des mètres carrés.
Etude de cas de Morning et Deskeo
Morning, leader français du coworking créé en 2014, avec près de 125 000 m² pris à bail dans Paris et sa première couronne, réalise son bilan carbone en 2020. Il en ressort que les travaux et l’aménagement des espaces constituent le principal poste d’émissions carbone. En janvier 2022, afin de réduire l’impact environnemental de ses chantiers, Morning crée le Score Impact. Il s’agit du ratio entre les émissions de CO2 et la surface du chantier. L’objectif est d’atteindre un ratio < 35 kg CO2/m² sur ses chantiers travaux et aménagements. Avec ses 14 chantiers analysés, le Score Impact permet à Morning de faire évoluer ses pratiques sur les postes d’émissions les plus importants : mobilier (éco-conception et réemploi), cloisons (pleines ou vitrées) et les sols (colles, moquettes et type de parquets).
Évoluant également sur le marché du bureau flexible et crée en 2016, Deskeo a transformé près de 90 000 m² de bureaux. Dès 2020, ils ont initié une démarche de bilan carbone sur leurs activités avec Magelan, un cabinet de conseil spécialisé dans les enjeux climatiques et environnementaux. Sur 30 sites étudiés, les postes énergie et mobilier représentent 36 % des émissions. Suite à la réalisation du bilan carbone, la mise en place d’un programme d’optimisation énergétique avec Deepki leur a permis de réduire de 31 % leur consommation énergétique au travers de l’installation de détecteurs, programmation de la CVC, changement des systèmes de chauffage.
Afin de poursuivre son développement, le marché du bureau flexible devra donc aussi relever les défis de son temps.