Radiographie de l’offre de coworking en France
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Répondant à la mutation des modes de travail, aux attentes des salariés en matière de services et de confort et aux besoins de flexibilité et de modération de l’empreinte immobilière des entreprises, les espaces de coworking s’imposent chaque année un peu plus dans le paysage de l’immobilier de bureau. En s’appuyant sur des interviews des acteurs du marché et les données de sa plateforme, Ubiq (ex- Bureaux À Partager) produit un état des lieux de l’offre de tiers-lieux en France en 2022.
Avec Ubiq Data édition 2022, la plateforme référençant l’ensemble des solutions de bureaux produit une radiographie complète de l’offre de tiers-lieux (coworking, bureaux opérés) en France. Un marché qui se trouve à la convergence de nombreux enjeux et besoins : attentes élevées des salariés pour leur environnement de travail, guerre des talents, optimisation de l’empreinte immobilière pour les entreprises, besoin de flexibilité locative… De quoi porter la demande et donc l’offre de bureaux flexibles, d’où la croissance ressort dans les données dévoilées par Ubiq (ex- Bureaux À Partager).
Le coworking n’est pas qu’une bulle
La première partie de l’étude comporte l’Indice du Coworking, initié par Bureaux À Partager en 2017. Ce panorama des acteurs du coworking en France identifie les tendances du marché et l’évolution des usages. D’après les données collectées, le premier enseignement est que le marché du coworking ne semble pas être la bulle annoncée à ses débuts en France en 2008. Avec 3 420 espaces identifiés, le marché connaît encore une croissance de plus de 20 % en 2022. Une offre croissante en phase avec la demande, puisque le taux de remplissage indiqué par les espaces de coworking participants à l’étude s’élève à 91 %, un record pour cet indice.
Les gros acteurs incarnent cette croissance folle : en un an seulement, le parc des quatre plus grands coworkers (Spaces, filiale d’IWG, WeWork, Morning et Wojo) a augmenté de 27 % et avoisine dorénavant les 400 000 m² de coworking. Aujourd’hui, 21 opérateurs en France exploitent un parc d’une taille supérieure à 10 000 m² et les 30 plus gros acteurs opèrent près de 900 000 m² en cumulé sur l’ensemble du territoire. Compte tenu de la tendance, Ubiq pronostique qu’en 2023, ces opérateurs géreront plus de 1 million de mètres carrés. En effet, le groupe IWG, dont la France est le deuxième marché, estime un potentiel de développement à plus 1 000 adresses sur le territoire hexagonal. Les 25 plus grands acteurs du marché ont confié à Ubiq vouloir ouvrir à minima 200 000 m² dans les 18 prochains mois, ce qui équivaudrait à une augmentation de 23 % de la taille de leur parc sur les 18 prochains mois.
« Avec un mouvement à la fois de concentration des acteurs du coworking et d’initiatives des géants de l’immobilier français comme Nexity (Hiptown, Morning), La Française (Wellcome), Icade (Imagine Office) ou la RATP (Urban Station), nous devrions assister à une poursuite de la conversation de bureaux traditionnels en bureaux flexibles », prévoit Mehdi Dziri, directeur général d’Ubiq.
En outre, le secteur n’est plus autant parisiano-parisien qu’auparavant. De nombreuses grandes villes en France connaissent également une belle croissance de l’offre disponible, à l’instar du groupe IWG qui dispose aujourd’hui de 121 adresses sur l’ensemble du territoire au travers de ses cinq marques (Regus, HQ, Stop & Work, Spaces et Signature), dont plus de la moitié sont en région. Derrière les quatre géants principalement basés en Île-de-France, les plus gros coworkers suivants (Startway, Now Coworking, Newton Office, Multiburo et Bureaux & Co) disposent d’un parc de plus de 160 000 m² essentiellement constitué en région.
Le boom du bureau opéré
Quelles que soient les frontières que l’on trace autour de sa définition, l’heure de gloire du bureau opéré semble bel et bien arrivée. « En 2021, nous avions distingué le bureau opéré comme une catégorie de marché à part entière, qui commence à devenir assez importante, explique Mehdi Dziri. C’est une offre inspirée des codes du coworking, à la différence qu’il s’agit d’un espace indépendant clé-en-main à l’usage d’une seule entreprise, avec une forte dimension servicielle et une personnalisation à l’image de l’entreprise occupante. »
Ainsi, le bureau opéré telle que le conçoit Ubiq poursuit son développement en 2022 avec un nombre d’espaces qui a augmenté de 75 % cette année et représente aujourd’hui un stock de presque 200 000 m² de bureaux rien qu’à Paris. Ubiq table sur un chiffre de 707 espaces de bureaux opérés en 2023 contre 424 cette année, ce qui correspondrait à une nouvelle croissance de 67 %. Véritable réponse au travail hybride, aux mutations des usages et à la démocratisation du télétravail, ce modèle répond aux attentes des dirigeants : moins de postes de travail et plus d’espaces de vie, de rencontre, d’échanges. Alors que les entreprises recherchent toujours plus de flexibilité, que les offres en sous-location constituent un marché gris difficilement accessible et dont le volume d’offres stagne depuis plusieurs années, le bureau opéré s’impose maintenant comme une nouvelle catégorie de marché en pleine expansion dans un secteur en plein bouleversement.
À date, 50 % des mètres carrés de bureaux opérés sont gérés d’un côté par des pure players et de l’autre par des acteurs du coworking. « Certains acteurs du coworking comme Morning, Hiptown ou WeWork convertissent, par opportunité, certains de leurs centres en espaces de bureaux opérés lorsqu’une entreprise est intéressée », souligne Mehdi Dziri. De fait, la plupart des coworkers ont intégré la chaîne de valeur de l’aménagement, du design et des travaux au sein de leurs espaces. Ils ont ainsi la capacité d’être agiles, de transformer, de réaménager et de retravailler le design d’un espace très rapidement, en le personnalisant totalement pour une seule entreprise.
Cher coworking
En matière de coworking comme de bureau opéré, Ubiq note que cette année est aussi celle de l’inflation. Entre la hausse des loyers parisiens et la « premiumisation » forte des grands acteurs du coworking, les prix au poste à Paris avoisinent les 950 euros HT/mois chez les grands acteurs du coworking. Pour le bureau opéré, le coût par poste à Paris se situe à 630 euros HT/mois.
« Cette hausse des prix s’explique par la premiumisation des espaces de coworking, où les services d’hôtellerie deviennent la norme (sport, restauration, conciergerie, bien-être…), indique Mehdi Dziri. À cela s’ajoute l’inflation sur les prix des matières premières, qui entraînent des frais d’aménagement et de travaux plus importants, et sur les prix de l’énergie, qui induit des hausses de charges pour les locataires. »
Enfin, l’hybridation fait naître depuis quelques mois des nouveaux acteurs sur le marché, à mi-chemin entre l’hospitalité, le coliving et le coworking. Ces derniers, comme Wanderful Chalet, Outwork - mais aussi Urban Campus, qui arrivera en France en 2023 et propose des espaces de coworking dans des immeubles de coliving - profitent de l’après Covid-19 pour proposer des solutions adaptées aux nouveaux usages et besoins des collaborateurs, en mettant l’accent sur l’expérience.
En tout état de cause, le marché du bureau flexible sous toutes ses formes prépare une année 2023 pleine de promesses !