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Pour un management en mode hybride 

Par Alexandre Foatelli | Le | Qvt

Cet article est référencé dans notre dossier : Les tendances du workplace en 2023

Les aménagements tendent à s’adapter au travail hybride, aillant présentiel et télétravail. Quid du management  ?

Les aménagements tendent à s’adapter au travail hybride. Quid du management ?  - © Getty Images/iStockphoto
Les aménagements tendent à s’adapter au travail hybride. Quid du management ? - © Getty Images/iStockphoto

Cet article fait fait suite à l’article consacré à l’adaptation des espaces de travail au travail hybride, disponible ici


Qu’on se le dise  : en 2023, manager n’est ni facile, ni sexy  ! A cet égard, une étude publiée en fin d’année par JLL Work Dynamics montre que les responsabilités managériales ont même un effet repoussoir. En outre, le phénomène de la démission silencieuse (quiet quitting) et de la Grande démission (Big quit) concerne majoritairement les postes d’encadrement, illustrant que cette fonction n’est plus uniquement perçue comme un avantage statutaire, mais aussi comme un potentiel, osons le dire, «  nid à emmerdes  ».  

En effet, si la tâche n’était déjà pas aisée, le développement du travail hybride l’a corsé un peu plus. Alors que les salariés français ont (largement) démontré leur efficacité en télétravail, il n’en reste pas moins que diriger une équipe à distance nécessite de nouvelles compétences, voire une nouvelle approche.  

La fin du règne du contrôle  ? 

«  Le principe de contrôle et de suspicion est séculaire : l’essor des espaces de travail a été poussé en partie par la crainte des vols de matière première, mentionne Delphine Minchella, docteur en sciences de gestion et enseignant-chercheur à l’Ecole de Management de Normandie/Métis Lab. Cependant, en marge du premier confinement et la massification du télétravail qui en est issu, les managers en entreprise ont été nombreux à avoir recours à des dispositifs de contrôle de leurs salariés », prolonge-t-elle.

Le principe de contrôle et de suspicion est séculaire.

Par conséquent, «  les salariés peuvent avoir le sentiment d'être acculés dans leur organisation du travail  », indique Diana Naït-Belkacem, alors même que le télétravail ouvre la possibilité de fonctionner de manière asynchrone et d’accorder du temps dans la journée à d’autres activités personnelles. «  Cela pose la question de comment manifester qu’on est à la tâche sans la présence physique pour en attester  », pose la consultante de JLL Work Dynamics. 

Le management doit notamment appréhender les nouveaux outils de communication, tout en prenant conscience des limites à avoir. «  On constate dans plusieurs travaux académiques qu’il existe un stress occasionné spécifiquement par la communication multimodale. Le mail n’est plus le principal outil de communication, et les applications de messagerie instantanée suggère que le salarié doit être disponible à tout moment, car si on ne répond pas tout de suite, la perception du (mauvais) manager est que son subordonné ne travaille pas  », expose Delphine Minchella. 

En sortant d’un modèle par le contrôle permanent, l’enseignant-chercheur met en garde de ne pas troquer un mode de direction par l’objectif contre l’abandon du middle management. «  Un manager doit être en mesure de veiller quotidiennement au bien-être de ses subalternes et être présent pour les accompagner dans leurs difficultés. Il n’est pas souhaitable que les structures managériales se bornent à vérifier le travail accompli en laissant de côté cet aspect relationnel  », raisonne-t-elle. 

Changer de modèle 

Une autre limite du management dans la mise en œuvre du travail hybride se trouve dans les structures multidivisionnelles, à la suite de la généralisation des organisations en mode projet. Dans ce type de configurations, le collaborateur va dépendre de plusieurs directions en même temps et ainsi obéir à plusieurs injonctions en même temps. «  Dans ce cas qui chapeaute l’ensemble pour s’assurer que ce qui est demandé est soutenable en termes de rythme  ?  », interroge Delphine Minchella. 

Il est aberrant de mettre à disposition des salariés une salle de sieste s’il est clair qu’'utiliser cet espace sera interprété comme un signe de paresse.

Quant à la présence au bureau, le manager doit aussi accompagner le changement dans la manière d’utiliser les espaces. « Il faut une cohérence entre le discours managérial de la direction et les lieux proposés, qui aillent jusqu’à la possibilité d’ouvrir certains, tels que les salles de sport ou les espaces de restauration, à l’extérieur  », appelle Diana Naït-Belkacem. 

Ainsi, la gestion des effectifs dans le contexte hybride nécessite d'être à la fois dans la responsabilisation des équipes et l’octroi d’une autonomie suffisante, tout en se montrant présent. «  Il faut pour cela faire davantage montre d’empathie et être moins dans une forme d’autorité qui était la marque historique du management. Au fond, c’est d'être le manager de la juste mesure, capable de laisser de l’autonomie, de responsabiliser ses équipes et, en même temps, d’aborder plus facilement les questions de souffrances au travail et d’organisation personnelle des salariés  », conclut Diana Naït-Belkacem. Autant de nouvelles compétences qui doivent passer, en bonne partie, par la formation spécifique des managers.