Stratégies

[ETUDE] La demande de bureaux pourrait chuter de 20 % d’ici 2030

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Cet article est référencé dans notre dossier : Les tendances du workplace en 2023

D’après les conclusions d’un récent rapport du McKinsey’s Real Estate Practice, les changements d’habitudes héritées de la pandémie de Covid-19 pourraient faire chuter la demande de bureaux de près d’un tiers par rapport à 2019 d’ici la fin de la décennie.

A New-York, près de 7 millions de mètres carrés de bureaux sont d’ores et déjà vacants. - © Getty Images/iStockphoto ismagilov
A New-York, près de 7 millions de mètres carrés de bureaux sont d’ores et déjà vacants. - © Getty Images/iStockphoto ismagilov

Dans un rapport intitulé « Empty spaces and hybrid places », McKinsey Real Estate Practice fournit une analyse de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le marché immobilier et présente des scénarii pour l’avenir de l’immobilier de bureau, entre autres. L’étude, à échelle internationale, a interrogé un panel constitué de près de 13 000 travailleurs de bureau à temps plein, tous âgés d’au moins 18 ans, dans six pays : la Chine (environ 2 600 personnes), la France (1 400), l’Allemagne (1 900), le Japon (1 700), le Royaume-Uni (2 300) et les États-Unis (3 200).

Changements d’habitudes

Selon le McKinsey Real Estate Practice, la demande de bureau devrait continuer à baisser dans la plupart des grandes villes au cours des prochaines années, car la pandémie a changé les habitudes de travail, encourageant de nombreux employés à travailler à domicile plutôt qu’au bureau. Ainsi, la mise en œuvre massive d’un travail hybride réduit la fréquentation des bureaux, ce qui entraîne une baisse de la demande. Les auteurs anticipent une stabilisation de la fréquentation à des niveaux inférieurs de 30 % à la norme prépandémie.

Les auteurs anticipent une stabilisation de la fréquentation à des niveaux inférieurs de 30 % à la norme prépandémie.

Par ailleurs, la quantité d’espace allouée à chaque travailleur de bureau devrait diminuer à mesure que les préoccupations liées à la pandémie diminuent, réduisant encore la demande. Cependant, les auteurs notent que la croissance de la population pourrait compenser partiellement ou totalement la baisse de la demande attendue dans certaines villes. D’autre part, ils précisent que le modèle ne prend pas en compte l'élasticité des prix, et les effets qu’une baisse de ces derniers pourraient avoir sur la relance mécanique de la demande.

En outre, l’étude met en exergue que de nombreux travailleurs ont déménagé vers des zones plus éloignées des centres-villes en raison de la pandémie. Près de 30 % des sondés ont déménagé en marge de la crise sanitaire, à la recherche de logements plus grands et des quartiers plus verts. Par conséquent, la croissance démographique des banlieues est plus élevée que celle des centres-villes dans l’ensemble des aires urbaines étudiées, à l’exception du Japon.

Grandes conséquences

Le McKinsey Real Estate Practice présente différents scénarii pour l'évolution de la demande de bureau d’ici 2030. Dans un scénario modéré, la demande d’immobilier de bureau et de vente au détail devrait chuter de 13 % entre 2019 et 2030. Dans un scénario plus pessimiste, la chute pourrait atteindre 20 % en 2030 par rapport à 2019 pour les villes majeures. Dans un scénario plus optimiste, la demande de bureau pourrait être inférieure de seulement 5 % en 2030 par rapport à 2019 dans ces mêmes métropoles.

Selon le rapport, cette baisse de la demande de bureau entraînera plusieurs conséquences sur le marché immobilier. Tout d’abord, elle engendrera fatalement une baisse de la valeur de l’immobilier de bureau, en particulier pour les bâtiments de qualité inférieure et plus anciens. En moyenne, la valeur totale de l’espace de bureau diminuera de 26 % entre 2019 et 2030 dans un scénario modéré et de 42 % dans un scénario plus pessimiste.

En moyenne, la valeur totale de l’espace de bureau diminuera de 26 % entre 2019 et 2030 dans un scénario modéré et de 42 % dans un scénario plus pessimiste.

De plus, la baisse de la demande conduira à un surplus d’espace de bureau, à l’image de New-York et de ses près de 7 millions de mètres carrés déjà vacants. Les locataires négocieront des baux plus courts, ce qui peut rendre plus difficile pour les propriétaires d’obtenir un financement ou pour les banques d’ajuster les modèles de valorisation. Enfin, qui dit baisse de la demande dit baisse du volume des transactions immobilières, puisque les propriétaires et les acheteurs potentiels seront incertains quant à l’avenir.

Flexibilité & mixité

Pour faire face à ces scénarii et leurs conséquences, le document du McKinsey Real Estate Practice propose plusieurs recommandations pour limiter l’impact sur l’immobilier de bureau. Tout d’abord, l’emphase est, une fois de plus, mise sur la conversion des bureaux en immeubles résidentiels ou en espaces de retail que les propriétaires et les développeurs immobiliers devraient envisager, afin de répondre à la demande croissante de ces types d’espaces. En complément, proposer des baux plus courts et plus flexibles et investir dans des solutions de tiers-lieux permettrait de répondre au besoin croissant de flexibilité de la part des entreprises utilisatrices.

Les décideurs politiques sont aussi invités à créer des incitations pour les promoteurs immobiliers afin de construire des logements abordables et d’investir dans des infrastructures qui favorisent une croissance durable et équitable. « Entreprises et politiques devraient travailler ensemble pour créer des quartiers mixtes et vibrants qui offrent une gamme d’aménagements et de services pour les travailleurs et les résidents », souligne le rapport. À l’image de la grogne que le PLU bioclimatique de la Ville de Paris provoque, cette solution nécessite encore un travail de bonne entente entre les parties prenantes.


Découvrez l’intégralité du rapport :  Empty spaces and hybrid places