Stratégies

L’enseignement supérieur, ce segment de l’immobilier tertiaire devenu incontournable

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Alors qu’ils faisaient traditionnellement peu évoluer leur immobilier, les établissements d’enseignement supérieur sont désormais porteurs de projets immobiliers ambitieux, que ce soit pour rénover leur siège historique ou pour se développer sur le territoire national. Confronté à cette demande d’espaces d’une nouvelle ampleur, CBRE a diligenté une étude pour identifier les besoins de ces acteurs qui pourraient ne sont plus négligeables sur le marché de l’immobilier de bureau.

Le futur campus de l’EM Lyon, conçu par PCA-Stream - © PCA-Stream
Le futur campus de l’EM Lyon, conçu par PCA-Stream - © PCA-Stream

C’est un véritable changement de culture qui s’opère et se perçoit dans la demande de locaux : les établissements d’enseignement supérieur deviennent progressivement un segment incontournable des prises à bail. Le marché a tout particulièrement été animé par les écoles de commerce privées ces dernières années.

Pour comprendre les besoins spécifiques des écoles, les enjeux que ces preneurs représentent pour les investisseurs et s’interroger sur la manière d’adapter l’offre, CBRE a dressé une étude sur ce phénomène encore récent, mais indéniablement croissant.

Une demande placée toujours plus importante

Pour l’heure, l’immobilier d’enseignement (au sens large) représente une part très minoritaire dans la demande placée de bureaux en Ile-de-France. Depuis 2012, ce sont 432 000 m² qui ont été placés sur le marché, d’après les données de CBRE. Sur dix ans, ce chiffre représente environ 2 % de la demande placée en bureaux. Toutefois, cette proportion relativement faible est, d’une part, à rapporter à la profondeur du marché de bureaux francilien, et d’autre part ces trois dernières années ont été marquées par une très nette accélération. Depuis 2019, les volumes annuels moyens ont été multipliés par deux. Le marché a tout particulièrement été animé par les écoles privées de management, qui ont été très dynamiques.

Les implantations d’écoles constituent souvent des transactions emblématiques en termes de surfaces : les établissements d’enseignement supérieur ont représenté 12 % des grandes transactions l’an passé. Les autres acteurs (autres formations post-bac, EdTech, formation continue) prennent à bail de plus petites surfaces. La part de marché du secteur de l’immobilier d’enseignement, qui oscillait entre 1 et 2 % suivant les années, représente désormais entre 3 et 6 % du marché.

En région, le phénomène est loin d’être marginal, captant 30 % des volumes placés sur le segment des grandes transactions en 2021. L’immobilier d’enseignement est ainsi devenu le premier secteur d’activité sur les marchés régionaux, devant le public et le parapublic, moteurs traditionnels du marché. Dans le top 3 des opérations de plus de 5 000 m², deux prises à bail ont été faites par des acteurs du secteur : l’EM Lyon au 146 avenue Jean Jaurès à Lyon et Ionis également à Lyon, au 16 rue Jean-Marie Leclair.

Lors d’une enquête terrain récente auprès de ses 12 agences régionales, CBRE a recensé 193 000 m² et 57 transactions en région depuis 2017 réalisées par des établissements d’enseignement supérieur ou post-bac. Si cet échantillon n’est pas exhaustif - il porte sur un panel constitué des principales métropoles françaises -, il illustre la forte dynamique à l’œuvre sur ce secteur.

CBRE a recensé 193 000 m² et 57 transactions en région depuis 2017 réalisées par des établissements d’enseignement supérieur ou post-bac.

D’après le conseil, cette dynamique de croissance est loin d’être transitoire et elle devrait se poursuivre dans les années qui viennent, le développement de l’enseignement supérieur, tout particulièrement privé, devrait être alimenté par de puissants déterminants : besoins des entreprises, facteurs socio-démographiques, essor de la mobilité étudiante internationale…

L’immobilier, un enjeu d’attractivité pour les écoles

Longtemps relégué au rang de sujet secondaire, l’immobilier est désormais au cœur des préoccupations des écoles. À l’instar des entreprises, elles font face à une concurrence accrue pour attirer les meilleurs éléments. Les écoles se lancent donc dans des projets immobiliers ambitieux, conçus comme de véritables vitrines, et permettant de promouvoir une marque forte et dynamique.

Cette nouvelle approche pousse les écoles à faire parfois intervenir de grands architectes, tels que Wilmotte & Associés (EM Normandie à Clichy, nouveau campus parisien de Sciences Po Paris) ou Philippe Chiambaretta (nouveau campus de l’EM Lyon dans le quartier Gerland).

En région, comme en Ile-de-France, la demande exprimée est une demande de centralité, au plus près des aménités urbaines et de la vie économique.

Si les territoires ciblés varient suivant les stratégies, la prime en matière d’implantation est accordée à la centralité. En effet, dans les régions étudiées par CBRE, la majorité des demandes ciblent le centre-ville. « En région, comme en Ile-de-France, la demande exprimée est une demande de centralité, au plus près des aménités urbaines et de la vie économique », commente Stanislas Leborgne Executive Director Régions chez CBRE. Sur un échantillon de 12 métropoles, et de 78 demandes exprimées et non pourvues à ce jour, 77 % des utilisateurs souhaitent une implantation en centre-ville, contre seulement 23 % une implantation en périphérie. Pour l’enseignement supérieur privé, ce tropisme est encore plus marqué.

Toutefois, les écoles rencontrent des difficultés pour trouver de nouveaux locaux répondant à ces critères de localisation. L’offre sur le marché est restreinte, et les établissements se heurtent parfois également aux réticences des élus (qui craignent la paupérisation du centre-ville et la dégradation de l’offre commerciale) ou des investisseurs (qui leur préfèrent parfois un preneur plus classique).

Une offre insuffisante, quantitativement et qualitativement

Au-delà des critères de localisation, les écoles font face à des enjeux particuliers. Du fait de leur activité, elles ont besoin de locaux spécifiques leur permettant d’accueillir du public. Les locaux qu’elles occupent doivent répondre à deux conditions cumulatives : d’une part, être classés établissement recevant du public (ERP) : d’autre part, relever au PLU, de la destination « équipements d’intérêt collectif et services publics » (EICSP, remplaçant l’ancienne catégorie des Cinaspic).

Les écoles vont s’orienter vers des bâtiments - le plus souvent à usage de bureaux - pouvant être facilement transformés en ERP.

Compte tenu de la rareté de l’offre et de la spécificité de leurs besoins, les écoles vont privilégier la recherche de clés en main locatifs ou d’opération en compte propre, projets qui se feront donc très en amont. À défaut, les écoles vont s’orienter vers des bâtiments - le plus souvent à usage de bureaux - pouvant être facilement transformés en ERP. Ainsi, par exemple sur les Collines de l’Arche, d’importants travaux avaient été réalisés notamment pour augmenter le capacitaire de l’immeuble afin d’accueillir en première intention un centre de coworking de près de 14 000 m² : ce sont finalement des écoles qui ont pris à bail les surfaces remises en commercialisation.

L’enjeu pour le développement de ce segment reste la constitution d’une offre quantitativement et qualitativement suffisante qui permettrait de fluidifier le marché, avance CBRE. Transformer un immeuble standard en ERP représente une piste intéressante pour la mutation de bureaux obsolètes sur des territoires en suroffre qui rencontrent des difficultés de commercialisation, et tout particulièrement là où les valeurs locatives des écoles se rapprochent voire dépassent les loyers bureaux.