Stratégies

Alexandra Bourreau prend les commandes de l’exploitation chez SNCF Immobilier


Avec un patrimoine de 26 000 bâtiments et de 7,7 millions de m2 de bâtiments industriels et tertiaires, d’activités sociales, SNCF Immobilier joue un rôle clé dans la transformation du groupe ferroviaire. Entre réduction des surfaces, performance énergétique et adaptation aux nouveaux usages, la direction de l’exploitation est au cœur des enjeux. Récemment nommée à sa tête, Alexandra Bourreau affiche des ambitions claires qu’elle nous détaille dans cet entretien.

Alexandra Bourreau prend les commandes de l’exploitation chez SNCF Immobilier
Alexandra Bourreau prend les commandes de l’exploitation chez SNCF Immobilier

Vous venez d’être nommée directrice de l’exploitation de SNCF Immobilier. Quels seront vos principaux axes de travail ?

Mes axes de travail se déclinent en deux grands volets. Le premier concerne l’interne, c’est-à-dire les modalités de fonctionnement au sein de SNCF Immobilier. Le second est tourné vers nos clients, qui sont les entités du groupe SNCF.

Sur le plan interne, l’enjeu majeur est de renforcer la transversalité entre les équipes pour travailler de manière plus agile. Le contexte dans lequel évolue SNCF Immobilier a beaucoup changé, notamment avec l’ouverture à la concurrence pour nos clients, les SA. Nous ne sommes plus dans un système fixe où l’on pouvait anticiper à long terme sans grands bouleversements. Désormais, le périmètre immobilier des SA peut évoluer au fil des ouvertures de lignes à la concurrence. Pour vous donner un exemple, chaque ligne Transilien est une entité à part entière, et chacune peut être mise en concurrence. Nous devons donc être capables de nous adapter à ce niveau de granularité, ce qui implique une grande agilité des équipes. Cela nécessite de faire évoluer rapidement nos outils et nos processus, qui ne sont aujourd’hui pas encore suffisamment adaptés à ce nouveau contexte. L’ouverture à la concurrence est déjà là, il faut donc agir vite.

L’ouverture à la concurrence est déjà là, il faut donc agir vite.

Du côté des SA — SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et leurs sous-entités —, l’enjeu est aussi de devenir compétitifs face au marché. Les SA doivent désormais justifier tous leurs coûts et démontrer qu’elles ont obtenu le meilleur prix. SNCF Immobilier doit donc proposer une offre de services immobiliers aussi bien pour la gestion technique que pour les services aux occupants, qui soit comparable à ce qui se pratique sur le marché. Cela implique de réaliser de véritables études tarifaires pour que nos coûts soient transparents.

Vous avez évoqué les services aux occupants. Quelle est votre approche sur ce sujet  ?

Notre approche vise la performance des prestations. Concrètement, nous structurons le travail des équipes pour piloter les contrats à tous les niveaux. Nous nous appuyons sur d’importants contrats-cadres, ce qui nous permet de bénéficier de la puissance d’achat du groupe SNCF. Mais pour que ces contrats soient efficaces, il faut un pilotage fin et multi-niveaux.

Nous intervenons donc à l’échelle nationale, régionale et jusqu’au site lui-même en lien avec les directions territoriales, sur le plan opérationnel. Nous formons les équipes pour qu’elles puissent articuler ces différents niveaux de pilotage, notamment en matière de contrôle qualité sur site. Cet aspect est essentiel car il nous permet de garantir un niveau de qualité à nos clients, et c’est aussi ce qui nous permettra de rester compétitifs face aux alternatives externes.

Avec un parc de plusieurs millions de mètres carrés et une stratégie axée sur l’optimisation, comment travaillez-vous à une reconfiguration pérenne des espaces tertiaires, notamment face aux évolutions rapides des modes de travail  ?

Effectivement, la politique de SNCF Immobilier en matière de réorganisation des espaces de bureaux, et notamment le déploiement du flex office lié à la montée du télétravail post-Covid, a été lancée juste après la crise sanitaire. Nous restons aujourd’hui sur cette ligne directrice, avec un objectif de 0,7 poste de travail par personne et à quelques endroits, nos clients internes testent actuellement un ratio de 0,5. Chez SNCF Immobilier, les collaborateurs peuvent télétravailler entre un et trois jours par semaine, ce qui nous permet de poursuivre cette stratégie.

Les équipes sont organisées de manière à ne pas choisir toutes les mêmes journées de télétravail. Cela permet de garantir une véritable rotation des postes de travail au sein des équipes. Bien sûr, certains jours sont naturellement plus denses que d’autres, et le vendredi est généralement moins fréquenté.

La flexibilité est donc déjà en place, et nous avançons progressivement en déployant nos schémas directeurs tertiaires, qui définissent l’implantation région par région. L’objectif est clair  : densifier les espaces grâce au flex office. Cela nous permet de libérer progressivement certains sites et de concentrer les activités sur ceux où le flex office est déployé. Grâce à cette politique, nous réussissons à libérer des mètres carrés et à poursuivre notre stratégie globale de réduction des emprises immobilières.

En 2023, Gilles Ballerat soulignait que la gestion énergétique du parc n’était pas encore suffisamment performante. Quels sont aujourd’hui vos leviers pour atteindre les objectifs fixés  ?

C’est effectivement une politique que nous déployons depuis plusieurs années. Il faut rappeler que le patrimoine sur lequel nous opérons est vieillissant, et qu’il ne se limite pas aux bureaux  : il comprend aussi de nombreuses installations ferroviaires et bâtiments industriels. Cela signifie qu’en matière de performance énergétique, nous avons des marges d’amélioration, mais aussi des contraintes liées à l’âge du bâti. Le premier levier, déjà fortement engagé par Gilles Ballerat et poursuivi par la Direction de la Stratégie et de la Relation Client, est la réduction des mètres carrés. C’est l’axe principal qui nous permet d’agir rapidement et efficacement.

Le patrimoine sur lequel nous opérons est vieillissant.

Ensuite, il y a le comptage des consommations par bâtiment, un chantier de fond. Historiquement, les bâtiments du groupe SNCF sont parfois reliés à des compteurs communs, rendant difficile l’identification des consommations par actif. Depuis plusieurs années, les équipes travaillent à obtenir un comptage individualisé, indispensable pour affiner la gestion énergétique.

Au-delà de ces aspects, nous menons depuis longtemps des actions de sobriété énergétique. Dès l’hiver, nous déployons des campagnes de sensibilisation auprès des occupants pour maintenir les bureaux à 19 degrés, éteindre les écrans le soir ou privilégier l’escalier à l’ascenseur. Nous fermons même certaines zones peu occupées, comme le vendredi au Campus Rimbaud à Saint-Denis, afin d’éviter de chauffer ou d’éclairer inutilement.

Autre levier majeur  : les travaux sur les bâtiments, comme l’installation de systèmes de gestion technique (GTB)impulsée par la réglementation — notamment le décret BACS. Sur les bâtiments industriels, les gains énergétiques sont encore plus significatifs que dans les bureaux. Enfin, sur les bâtiments vieillissants, nous agissons sur l’isolation et remplaçons progressivement les chaudières au fioul par des chaudières au gaz, pour améliorer la performance et engager une véritable transition énergétique.

Au-delà de la performance énergétique, comment coordonnez-vous une stratégie globale qui prenne en compte la diversité des bâtiments et de leurs usages ?

Cette stratégie est coordonnée grâce à l’action de la direction Stratégie, Clients et MOA, portée par Franck Lirzin. Concrètement, cette direction définit les stratégies par client, en tenant compte de ce que nous voulons faire avec l’immobilier et de ce que souhaitent nos clients, en fonction de leurs budgets et de leurs contraintes spécifiques. Chaque client a en effet des besoins et des contraintes qui lui sont propres.

Les équipes de l’exploitation travaillent ensuite en étroite collaboration avec celles de la relation client pour s’aligner sur ces orientations. C’est sur cette base que nous déployons l’ensemble des politiques — qu’il s’agisse des travaux, de la sobriété énergétique ou de la performance des bâtiments.

Quel est le projet concret ou l’ambition que vous souhaitez porter dans votre nouveau poste ?

Les ambitions sont nombreuses, à la fois en interne et vis-à-vis des clients. En interne, l’un des chantiers prioritaires est de travailler à l’automatisation des données que nous collectons pour mieux piloter notre activité. Aujourd’hui, nous manquons d’automatisation, ce qui rend difficile la lecture de notre activité et la formulation de propositions pour nos clients. La production automatisée d’indicateurs est un enjeu clé, car elle libérerait un temps précieux aux équipes, leur permettant de se concentrer davantage sur le terrain auprès des clients.

Aujourd’hui, nous manquons d’automatisation, ce qui rend difficile la lecture de notre activité et la formulation de propositions pour nos clients.

L’objectif est donc de croiser les systèmes d’information avec l’ensemble des données issues du pilotage des contrats. Elles pourront ainsi disposer d’une lecture plus fluide de leur activité et mieux orienter leurs actions opérationnelles. C’est une ambition urgente, et on peut même parler de modernisation. Avec un patrimoine de 26 000 bâtiments, cette automatisation est indispensable pour gagner en agilité.

Vis-à-vis de nos clients, l’enjeu est d’apprendre à travailler en articulation fluide avec la direction client, créée en janvier dernier. Il s’agit de transformer les modes de fonctionnement des équipes pour pouvoir interagir de façon agile et réactive, et pas seulement une fois par an lors du processus budgétaire. L’objectif est de répondre aux demandes des clients en temps réel et de les traduire concrètement sur le terrain, en collaboration étroite avec la direction de la relation client.

Concernant l’automatisation et la collecte de données, avez-vous déjà identifié des leviers concrets à déployer  ?

Oui, je travaille étroitement avec Franck Lirzin sur ce sujet, dans le cadre d’une démarche de data management. C’est une approche assez différente de ce que nous faisions auparavant, qui repose sur la mise en commun de toutes les données existantes sur notre patrimoine. Jusqu’ici, cela n’existait pas. Nous avons recruté une personne dédiée à la mise en place de cette stratégie de la data, qui a pris ses fonctions en septembre dernier. Elle travaille en lien avec la DSI immobilière et revoit les circuits de données au sein de SNCF Immobilier, afin qu’une donnée ne soit produite qu’une seule fois et soit ensuite disponible pour tous ceux qui en ont besoin.

Cette méthode de data management permet de limiter le nombre de fois où une donnée est produite et, en parallèle, d’en maximiser l’utilisation. Cela peut sembler simple, mais c’est un levier majeur pour réduire la charge des équipes tout en augmentant l’efficacité. C’est à partir de cette base que nous déployons toutes les nouvelles solutions informatiques. Avant même de parler d’intelligence artificielle ou d’autres technologies avancées, cette étape est indispensable pour faire un vrai bond en avant en matière d’automatisation.